Bohémond de Tarente — Wikipédia

Bohémond de Tarente
Illustration.
Bohémond de Tarente, par Merry-Joseph Blondel. Salles des croisades, Versailles.
Fonctions
Prince de Tarente

(26 ans)
Prédécesseur Robert Guiscard
(duc d'Apulie et de Calabre)
Successeur Bohémond II d'Antioche
(prince)
Prince d’Antioche

(13 ans)
Prédécesseur Yâghî Siyân
(émir d'Antioche)
Successeur Tancrède de Hauteville
(régent d'Antioche)
Biographie
Dynastie Maison de Hauteville
Nom de naissance Marc de Hauteville
Date de naissance vers 1054
Lieu de naissance San Marco Argentano en Calabre
Date de décès
Lieu de décès Canosa en Apulie
Sépulture Canosa di Puglia
Père Robert Guiscard
Mère Aubrée de Buonalbergo
Conjoint Constance de France
Enfants Bohémond II d'Antioche
Religion Catholicisme
Résidence Tarente, Antioche

Bohémond de Tarente

Bohémond de Tarente ou Bohémond Ier d'Antioche, né vers 1054 et mort en , est un chevalier normand de la maison de Hauteville. Fils de Robert Guiscard, il fut prince de Tarente et d'Antioche, et l'un des meneurs de la première croisade.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines et premières campagnes en Albanie[modifier | modifier le code]

Bohémond est le fils aîné de Robert Guiscard, comte normand d'Apulie, et de sa première épouse Aubrée de Buonalbergo[1]. Il naît entre 1050 et 1058 (en 1054 selon l'historien John Julius Norwich)[2],[3]. Il est baptisé sous le nom de Marc mais, en raison de sa grande taille, il reçoit le surnom de Bohémond en référence à un géant légendaire du même nom[2].

Bohémond de Tarente participe aux expéditions de son père Robert Guiscard et le seconde à partir de 1081 dans sa guerre contre l'Empire byzantin en Albanie[4]. Il se distingue à Duras, où il commande l'aile gauche de l'armée normande face à la garde varangienne[5]. Puis, après le départ de son père en avril ou mai 1082, il reçoit le commandement des troupes normandes et remporte deux victoires contre l'empereur Alexis Comnène devant Joannina et Arta[6],[7]. Il se rend maître de l'Albanie et de la Thessalie et débute le siège de Larissa à la fin de l'année 1082[8]. Au printemps 1083, il est vaincu par les Byzantins devant Larissa et perd la quasi-totalité de ses conquêtes[9]. Il est contraint de retourner en Italie afin de trouver l'argent nécessaire au paiement de la solde de son armée[9]. Durant son absence, les Byzantins reprennent Kastoria et Duras[9].

En 1084, son père Robert Guiscard met sur pied une nouvelle expédition contre l'Empire byzantin, mais il meurt pendant cette campagne en [10]. À la mort de son père, Bohémond est écarté de la succession sur les duchés d’Apulie, de Calabre et de Sicile au profit de son demi-frère, le jeune Roger Borsa, favorisé par sa mère Sykelgaite de Salerne[11].

Guerre contre Roger Borsa en Italie[modifier | modifier le code]

Des tensions apparaissent rapidement entre les deux frères et, dès la fin de l'année 1085 ou le début de l'année 1086, Bohémond se révolte, occupe les villes d'Oria, de Tarente et d'Otrante, et s'empare d'une bonne partie de la Pouille méridionale[12]. Roger est obligé de céder à son frère, outre les trois villes dont il s'était emparé, Gallipoli et presque toute la région qui s'étend de Conversano à Brindisi[12]. En 1087, les deux frères se déclarent à nouveau la guerre[13]. Bohémond commence les hostilités et tente de surprendre son frère près de Bénévent ; il est battu à Fragneto mais parvient à fuir et à regagner Tarente[13]. En 1089, un accord est conclu entre les deux frères ; malgré sa défaite, Bohémond réussit à conserver tout le territoire situé entre Bari et Otrante, ainsi que quelques villes de Calabre[14]. En 1091-1092, il assiste son demi-frère dans son conflit contre la ville révoltée de Cosenza en Calabre[15].

Première croisade et fondation de la principauté d'Antioche[modifier | modifier le code]

Route de Bohémond de Tarente.
La bataille d’Antioche. Gravure de Gustave Doré.

En , alors qu’il participe aux côtés de son oncle Roger, comte de Sicile, au siège de la principauté révoltée d’Amalfi[16], il apprend qu’une grande expédition pour l’Orient est en route, un bon moyen pour lui d’aller se tailler un fief plus important que sa principauté. Il abandonne le siège et s’embarque avec des troupes et des proches dont son neveu le jeune Tancrède de Hauteville et son cousin Richard de Salerne, pour la première croisade, dont il sera l’un des principaux chefs[16]. Son armée compte près de 10 000 chevaliers et 20 000 fantassins[16]. La quantité de volontaires est telle que le comte Roger doit lever le siège d'Amalfi à cause du manque de soldats[16]. De passage à Constantinople en , Bohémond prête serment de fidélité à l'empereur Alexis Comnène[4]. Chargé du commandement de l'avant-garde croisée[17], il se distingue au combat devant Nicée, Dorylée et enfin Antioche, dont il débute le siège en [2].

Bohémond escalade seul les remparts d'Antioche. Gravure de Gustave Doré.

Après un siège de sept mois, Bohémond trouve un arrangement avec Firouz, un Arménien converti à l'islam chargé de garder la tour des Deux-Sœurs au sud de la ville[18]. En même temps, les croisés apprennent qu'une armée de secours, commandée par Kerbogha, atabeg de Mossoul, est seulement à quelques jours de marche[19]. Devant l'imminence du péril, Bohémond parvient à échanger son offre contre le renoncement des autres croisés à leurs droits sur Antioche[20]. Selon Guillaume de Tyr, c'est Bohémond lui-même qui aurait escaladé en premier la tour de Firouz, permettant la prise de la ville le [20]. Les croisés, commandés par Bohémond, résistent victorieusement à un nouveau siège mené par Kerbogha, puis effectuent le une sortie qui renverse l'armée turque[21].

Bohémond conserve Antioche, malgré les véhémentes protestations de Raymond de Toulouse[22]. Il fait de la cité le centre d’une principauté où ses descendants indirects gouverneront tant bien que mal durant près de deux siècles. Cependant la situation de Bohémond, devenu le prince Bohémond d’Antioche, est précaire entre les ambitions de l'empereur Alexis Comnène, qui lorgne sur ses possessions autrefois byzantines, mais aussi la volonté des Fatimides et des Seldjoukides de reprendre le contrôle de la Syrie du Nord.

Au cours de l'été 1100, Bohémond tente de porter secours au prince arménien de Mélitène[23]. Après une défaite contre les Turcs, il est fait prisonnier quelques jours plus tard lors d'une embuscade menée par l'émir de Sivas[2] et est envoyé dans la forteresse de Néo-Césarée, dans le nord de l'Anatolie[23],[24]. Tancrède de Hauteville gouverne Antioche à sa place durant cette période[4].

En 1103, Bohémond est libéré contre une rançon de 260 000 dinars, levée grâce aux contributions des Normands d’Italie[25]. Il est ensuite contraint de défendre sa principauté sur deux fronts à la fois[26]. En effet, le , les croisés sont lourdement battus par une coalition musulmane lors de la bataille de Harran[26]. Dans le même temps, l'Empire byzantin lance une expédition en Cilicie et s'empare de la ville de Laodicée[26]. Bohémond, après avoir confié la régence à Tancrède, s'embarque pour l'Apulie afin de demander des renforts et organiser une nouvelle croisade contre l'Empire byzantin[4]. En fait il ne reviendra plus jamais dans sa principauté. En 1106, il épouse Constance, la fille de Philippe Ier, roi de France, et obtient la main de Cécile, une autre fille de Philippe Ier, pour son neveu Tancrède[27]. Il tente ensuite d’attaquer l’Empire byzantin avec un débarquement en Albanie comme l'avait fait son père vingt ans plus tôt. À la fin de l’année 1107, il prend Avlona et assiège Duras. Mais un an plus tard, les Byzantins le tiennent en échec et son expédition tourne court. Humilié, il doit traiter avec l’empereur qui lui fait reconnaître, par le traité de Déabolis, en 1108, l’autorité de Byzance sur la principauté d’Antioche[4]. Ce traité est récusé par Tancrède, qui s’empresse de le dénoncer[4].

Bohémond rentre en Apulie et meurt à Canosa le [6], laissant un jeune fils, Bohémond.

Description[modifier | modifier le code]

La princesse byzantine Anne Comnène, témoin oculaire de l’époque de la croisade, qui l’a rencontré pour la première fois alors qu’elle avait quatorze ans, fut fascinée par Bohémond et a laissé, dans l’Alexiade, une description détaillée de lui pareille à nul autre prince croisé :

« Il dépassait les plus grands d’une coudée ; il était mince du ventre, large des épaules et de la poitrine ; il n’était ni maigre ni gras. Il avait les bras vigoureux, les mains charnues et un peu grandes. À y faire attention, on s’apercevait qu’il était tant soit peu courbé. Il avait la peau très blanche, et ses cheveux tiraient sur le blond ; ils ne passaient pas les oreilles, au lieu de flotter, comme ceux des autres barbares. Je ne puis dire de quelle couleur était sa barbe ; ses joues et son menton étaient rasés ; je crois pourtant qu’elle était rousse. Son œil, d’un bleu tirant sur le vert de mer, laissait entrevoir sa bravoure et sa violence. Ses larges narines aspiraient l’air librement, au gré du cœur ardent qui battait dans cette vaste poitrine. Il y avait de l’agrément dans cette figure, mais l’agrément était détruit par la terreur. Cette taille, ce regard, il y avait en tout cela quelque chose qui n’était point aimable, et qui même ne semblait pas de l’homme. Son sourire me semblait plutôt comme un frémissement de menace… Il n’était qu’artifice et ruse ; son langage était précis, ses réponses ne donnaient aucune prise. »

Dans les arts et la culture[modifier | modifier le code]

Ascendance[modifier | modifier le code]

Mausolée de Bohémond à Canosa di Puglia.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Chalandon 1907, p. 283.
  2. a b c et d (en) John Hugh Hill, Laurita L. Hill, « Bohemond I, prince of Antioch », Encyclopædia Britannica, (consulté le ).
  3. Norwich 1992, p. 116-117 (note 1), 227.
  4. a b c d e et f Michel Balard, Les Croisades, Paris, MA Éditions, 1988, p.71.
  5. Norwich 1992, p. 231-232.
  6. a et b (it) Dieter Girgensohn, « Boemondo I », Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 11, 1969. [lire en ligne]
  7. Chalandon 1907, p. 279.
  8. Chalandon 1907, p. 280.
  9. a b et c Chalandon 1907, p. 281.
  10. Chalandon 1907, p. 282.
  11. Chalandon 1907, p. 283-284.
  12. a et b Chalandon 1907, p. 288.
  13. a et b Chalandon 1907, p. 294.
  14. Chalandon 1907, p. 295.
  15. Chalandon 1907, p. 298.
  16. a b c et d Aubé 2006, p. 101.
  17. Aubé 2006, p. 106.
  18. Grousset 2006, p. 158-159.
  19. Grousset 2006, p. 160.
  20. a et b Grousset 2006, p. 161.
  21. Grousset 2006, p. 164-173.
  22. Aubé 2006, p. 107-109.
  23. a et b Grousset 2006, p. 263.
  24. Aubé 2006, p. 112.
  25. Jean Deuve, L’épopée des Normands d’Italie, Charles Corlet, , p. 68.
  26. a b et c Aubé 2006, p. 113.
  27. Aubé 2006, p. 114.
  28. Jouda Sellami, « L’identité normande dans la Chanson d’Antioche et le Livre d’Éracle », La Fabrique de la Normandie. Actes du colloque international organisé à l’Université de Rouen (CÉRÉdI),‎ (lire en ligne).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]