Bob Denard — Wikipédia

Robert Denard
Surnom Bob Denard
Naissance
Bordeaux (France)
Décès (à 78 ans)
Pontault-Combault (France)
Origine Français
Allégeance Drapeau de la France France (1945-1952)
État du Katanga (1960-1963)
Royaume mutawakkilite du Yémen (1963-1964)
Drapeau de la république démocratique du Congo République démocratique du Congo (1964-1965)
UNITA (1975)
Drapeau de Rhodésie Rhodésie (1977-1978)
République fédérale islamique des Comores (1975 et 1978-1989)
Arme Armée française
Mercenaire privé
Grade Quartier-maître
Années de service 1945 – 1992
Conflits Guerre d'Indochine
Crise congolaise
Guerre civile du Yémen du Nord
Guerre civile angolaise
Guerre du Bush de Rhodésie du Sud
Coup d'État de 1978 aux Comores

Robert Denard, dit Bob Denard, né le à Bordeaux et mort le à Pontault-Combault en Seine-et-Marne[1],[2], est un mercenaire français. Il est impliqué dans de nombreux coups d'État en Afrique de la période des indépendances vers 1960 jusqu'en 1995.

Biographie[modifier | modifier le code]

Un mercenaire anticommuniste[modifier | modifier le code]

Né à Bordeaux, en Gironde, Robert Denard est le fils de Léonce Denard, militaire dans les troupes coloniales[3]. À 16 ans, en , il s'engage dans la Marine et rejoint l'école des apprentis mécaniciens de Saint-Mandrier-sur-Mer (Var)[4]. Breveté matelot mécanicien, il part ensuite comme volontaire pour l'Indochine en tant que matelot seconde classe. Les modalités de son passage de la spécialité de mécanicien à celle de fusilier marin restent inconnues. Devenu quartier-maître dans les fusiliers marins en Indochine, il quitte l'armée en 1952 après une altercation dans un bar[5] et accepte une place de conducteur d'engins et de mécanicien au Maroc. Il entre ensuite dans la police de ce pays qui est alors sous protectorat français depuis 1912. Accusé d'avoir participé à un complot pour assassiner le président du Conseil des ministres Pierre Mendès France, Bob Denard passe 18 mois en prison[6].

À partir des années 1960, anticommuniste convaincu[7], il intervient dans les tumultueux conflits post-coloniaux. Il participe à des opérations militaires impliquant des mercenaires au royaume mutawakkilite du Yémen, en Iran, au Nigeria, au Dahomey, au Gabon (où il est instructeur de la garde présidentielle), en Angola en 1975, au Cabinda en 1976, au Zaïre et aux Comores.

De 1960 à 1963, il est l'un des chefs des « affreux » de l'État du Katanga, soutenant Moïse Tshombé qui vient de déclarer l'indépendance du Katanga, une ancienne province du Congo belge, le . Il se distingue notamment en faisant défiler tous ses officiers, qu'ils soient noirs ou blancs, dans une stricte égalité (jusque-là, les blancs passaient en premier). Le , lors de la chute de Kolwezi et de la défaite des mercenaires, ces derniers se réfugient en Angola avec l'accord du régime portugais. Ils sont rapatriés en France où ils sont accueillis par les gendarmes.

Puis il part d’août 1963 à la fin 1964 pour le Yémen pour le compte du MI6[8] avec 17 mercenaires, dont Roger Faulques et Jacques Frezier, anciens officiers parachutistes de la Légion étrangère, dans la 1re armée royaliste, financée par l'Arabie saoudite, contre les républicains soutenus par 40 000 soldats égyptiens envoyés par Nasser pendant la guerre civile du Yémen du Nord (1962-1970).

L'ensemble des mercenaires est placé sous le contrôle du colonel britannique David Smiley, ancien officier du Special Operations Executive durant la Seconde Guerre mondiale. Dans son livre Arabian Assignment[9], David Smiley rapporte que les mercenaires français et belges alternaient entre les théâtres yéménites et congolais, car au Congo ils avaient femmes et alcool à volonté mais étaient rarement payés, tandis qu’au Yémen ils étaient rémunérés mais privés de femmes et d’alcool.

Bob Denard revient fin 1964 dans l'ex-Congo belge, à la tête du 1er choc qu'il met sur pied le 22 février 1965[10]. En recrutant des mercenaires européens ainsi que des Katangais, il forme une petite troupe qui prend le surnom de « Katangais ». Elle contribue à la victoire sur les rebelles communistes menés par Gbenie, Soumialot et Mulele, largement due au colonel Schramme et à son Bataillon Léopard. Jean Schramme, instructeur et commandant du « Bataillon Léopard » où il atteint le grade de colonel, décrit Bob Denard comme un lâche et un irresponsable qui n'a jamais fait partie du Bataillon Léopard. Ses erreurs de commandement seraient à l'origine de lourdes pertes dans les rangs des mercenaires qu'il dirigeait[11].

Il est recruté en 1970 par le roi du Maroc, Hassan II, pour renverser le régime de Mouammar Kadhafi en Libye. Deux cents hommes acheminés de Sicile préparent un débarquement sur les côtes libyennes mais l'opération est soudainement annulée par Rabat[12].

Denard intervient de nouveau pour le MI6[8] et le SDECE en Angola en 1975 avec l'UNITA de Jonas Savimbi.

L'homme fort des Comores[modifier | modifier le code]

Denard intervient une première fois dans le tout nouveau État comorien qui, à la suite de la consultation du 22 décembre 1974 sur l'indépendance des Comores organisée par le président Giscard d'Estaing, proclame unilatéralement son indépendance le . Il intervient en septembre 1975 pour consolider le coup d'État d'Ali Soilih en arrêtant le président Ahmed Abdallah.

En janvier 1977, il échoue dans une tentative de coup d'État destinée à renverser le régime de la République populaire du Bénin. Il est ensuite pressenti[8] en 1977 pour déstabiliser le régime de James Mancham aux Seychelles.

La même année, lors d'une rencontre avec Ahmed Abdallah, réfugié en Afrique du Sud, au renversement duquel il avait participé, Bob Denard propose de l'aider à retrouver son fauteuil de président[13], avec le feu vert des puissances concernées[13]. Le plan initial prévoit d'utiliser un appareil sud-africain décollant de Rhodésie, mais doit être abandonné en raison du refus du Mozambique de laisser utiliser son espace aérien[13]. Le 13 mai 1978, Bob Denard débarque aux Comores à bord d'un ancien navire océanographique[13] avec 43 hommes pour renverser le régime marxiste révolutionnaire de Soilih et rétablit Ahmed Abdallah au pouvoir. Ali Soilih est tué d'une balle dans la tête le à l'issue de ce qui est présenté comme une tentative d'évasion[13].

Bungalow de Bob Denard au bord de la plage aux Comores.

Bob Denard s'occupe dès lors d'organiser une garde présidentielle forte de 600 Comoriens[14] encadrés par une poignée d'officiers européens[15], comme Richard Rouget, alias colonel Sanders[16] ou Max Vieillard alias Servadac. Cette unité entre en concurrence avec les forces armées comoriennes. Il se marie sur place, se convertit à l'islam sous le nom de Saïd Moustapha M'Hadjou[17] (parfois orthographié Mahdjoub[18] ou Mhadjou), s'occupe de développement (construction de routes, ferme de 600 ha à Sangali, etc.). Son autorité est alors incontestée. Il se tourne également résolument en direction de l'Afrique du Sud pour trouver le soutien, notamment financier, dont il a besoin. La république fédérale islamique des Comores devient le centre d'un réseau parallèle qui permet à l'Afrique du Sud, sous embargo international, de se fournir en armes. Elle sert également de base logistique à l'Afrique du Sud pour ses opérations militaires contre les pays africains qui lui sont hostiles : le Mozambique et l'Angola[13]. De son côté, le régime de l'apartheid règle depuis 1989 les soldes des membres de la Garde présidentielle[13].

Jusqu'à la mort d'Abdallah, dont il est chargé de la sécurité, et même si ses apparitions publiques se font très rares après 1985, Denard joue en coulisses un rôle considérable dans la vie publique comorienne[13]. Il est surnommé le « vice-roi des Comores » et règne de facto pendant 10 ans sur l'archipel[12].

Avec le soutien de l'Afrique du Sud, il forme un corps de mercenaires appelé à intervenir à la demande de Pretoria ou de Paris. Celui-ci est déployé seulement au Tchad, en 1981-1982, pour appuyer la rébellion de Hissène Habré contre le président pro-libyen Goukouni Oueddei[12].

En 1989, Ahmed Abdallah signe un décret donnant l'ordre à la Garde présidentielle, dirigée par Denard, de désarmer les forces armées pour cause de coup d'État probable[réf. nécessaire]. Quelques instants après la signature du décret, un officier des forces armées serait entré dans le bureau du président Abdallah et l'aurait abattu, blessant également Bob Denard. Blessé, impopulaire et accusé de meurtre, il négocie son départ pour l'Afrique du Sud par l'intermédiaire de l'homme d'affaires Jean-Yves Ollivier et de Saïd Hillali[19].

Dans la nuit du 27 au 28 septembre 1995, Denard renverse le nouveau président comorien Said Mohamed Djohar (élu en 1990) avec une trentaine d'hommes débarqués en Zodiac avec son protégé Sauveur Farina, tireur d'élite, ainsi que le lieutenant Blancher Christophe, son pilote privé arrivé quelques heures plus tôt. Bob Denard ouvre aux journalistes le vieil aéroport de Moroni et son camp retranché de Kangani pour éviter l'intervention de 600 hommes des forces françaises (GIGN, commandos Marine de Djibouti, 2e RPIMa). Cerné, il négocie une amnistie pour les insurgés avant sa reddition[20] et la préparation de son procès[21].

Participation au génocide du Rwanda[modifier | modifier le code]

Contacté par le gouvernement hutu en 1994, malgré les réserves de la DGSE qui tente de le dissuader d'intervenir dans le camp du génocide, Bob Denard dépêche des hommes pour certaines missions. Si ses agissements restent assez méconnus, il reçoit au moins un versement de plus d’un million de francs par chèque bancaire de la BNP[22],[23].

De retour en métropole, il se retire dans le Médoc, où il rêve de construire, sur le terrain familial de la commune de Grayan-et-l'Hôpital, un musée de la décolonisation. En 1999, Bob Denard s'installe à Chennevières-sur-Marne (dans le Val-de-Marne). Il s'y remarie le 21 mai 2005.

Il doit cependant faire face à de nombreuses procédures judiciaires ainsi qu'à des ennuis d'argent et de santé.

Plusieurs journalistes essayent de le rencontrer quelques années avant sa mort, pour lui demander des informations sur sa vie, afin d'en faire un livre. Au début, il refuse de les voir, estimant être capable de rédiger seul ses mémoires, dans lesquels il promettait de nombreuses révélations. Mais il est progressivement gagné par la maladie d'Alzheimer, qui rend confuse sa mémoire sur les événements passés.

Il meurt le d'un arrêt cardiaque, emportant avec lui une partie de ses secrets. Il est inhumé au cimetière de Grayan-et-l'Hôpital, en Gironde.

Procédures judiciaires[modifier | modifier le code]

Inculpé pour assassinat à l'encontre d'Ahmed Abdallah avec son lieutenant, Dominique Malacrino, les deux hommes sont acquittés le 20 mai 1999, par un jury à la cour d'assises de Paris[24].

Le président des Comores, Mohamed Taki, initiateur du coup d’État contre le président Abdallah[25], son ancien allié politique, fait toutefois savoir qu'il refuse que Bob Denard rentre au pays. Le 6 novembre 1998, ce dernier meurt dans d'étranges circonstances. La famille crie à l'empoisonnement et demande une autopsie. Rapidement, l'affaire est étouffée et l'autopsie oubliée[réf. nécessaire]. Mohamed Taki est officiellement décédé de mort naturelle.

En 2001, Guido Papalia, procureur de la ville de Vérone, au Nord-Est de l'Italie, poursuit Bob Denard pour avoir tenté de recruter des mercenaires dans les milieux de l'extrême droite italienne afin de renverser le colonel Azali Assoumani qui s'opposait aussi à son retour. Bob Denard est jugé à partir du . Un avocat, Elie Hatem, lui a été commis d'office. De mauvaises affaires, comme l'achat d'un garage Citroën à Lesparre dans les années 1980, et le coût des procédures, entraînent des difficultés. Son nouvel avocat affirme même que les problèmes d'argent du vieux « corsaire de la République », comme il s'était autoproclamé, pouvaient compromettre sa stratégie de défense : « J'ai été commis d'office dans ce dossier, et M. Denard bénéficie de l'aide juridictionnelle », confie Élie, qui ne cache pas une réelle proximité, affective et idéologique, avec l'ancien mercenaire[26]. Bob Denard n'aurait prétendument vécu « que de 250 euros par mois » : retraite due à ses états de service pendant la guerre d'Indochine. Il est déclaré inapte à comparaître à la suite d'une expertise médicale confirmant sa maladie d'Alzheimer (il se présentera néanmoins une fois[27]). À l'issue du procès, le tribunal correctionnel de Paris le condamne en première instance à 5 ans de prison avec sursis le mardi 20 juin 2006[27]. Le 6 juillet 2007, il sera finalement condamné en appel à quatre ans d'emprisonnement, dont trois avec sursis (sentence jamais exécutée à la suite de son décés)[28].

Décorations françaises et étrangères[modifier | modifier le code]

Bob Denard arborait l'insigne du brevet parachutiste français, bien qu'il ne fût pas breveté. Dans sa biographie, un autre mercenaire l'ayant côtoyé relate un échange où il lui en fait la remarque. Sa réponse fut « ce qui compte c'est d'avoir l'esprit para »[29].

Convictions religieuses[modifier | modifier le code]

Élevé dans le catholicisme, Denard se convertit au judaïsme au Maroc, à l'islam aux Comores, puis revient au catholicisme. Ses funérailles ont lieu en France, en l'église Saint-François-Xavier de Paris[réf. nécessaire].

Œuvre[modifier | modifier le code]

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

Représentations en fiction[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. fichier des décès de l'INSEE, consultable facilement sur le site deces.matchid.io.
  2. « Décès de l'ancien mercenaire Bob Denard »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), AFP, (consulté le ).
  3. Article paru dans l'Humanité en 1999.
  4. anciens col bleus et pompons rouges, rubrique E.A.M.F.
  5. François Béguin, « Bob Denard a toujours agi pour le compte de l'État français », LeMonde.fr, (consulté le ).
  6. « Bob Denard, mercenaire », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Selon Sorj Chalandon : « Se disant pompeusement « corsaire de la République », il affirmait ne pas avoir été guidé par l'argent. Seulement par l'anticommunisme. Mais les deux allaient de pair. » (dans une chronique du documentaire de Gaël Mocaër Bob Denard, mercenaire de la République diffusé sur France 5 ; Le Canard enchaîné no 5352 du , p. 7).
  8. a b et c (en) Stephen Dorril, MI6 : Inside the Covert World of Her Majesty's Secret Intelligence Service, Free Press, , 928 p. (ISBN 0-7432-1778-0 et 978-0743217781).
  9. David Smiley, Arabian Assignment, 1975, Cooper Edition, p. 156.
  10. Pierre Lunel, Bob Denard, le roi de fortune, Éditions N°1, (ISBN 978-2-86391-456-4).
  11. Jean Schramme, Le bataillon Léopard, Édition J'ai lu, l'aventure aujourd'hui n° A255, 1969.
  12. a b et c Maurin Picard, L'Empire qui ne veut pas mourir: Une histoire de la Françafrique, Seuil, , p. 411, 415.
  13. a b c d e f g et h Pascal Perri, Comores : Les nouveaux mercenaires, Editions L'Harmattan, , 171 p. (ISBN 978-2738428622).
  14. En majorité des « Sabena » réfugiés rescapés des troubles sociaux de 1976 à Majunga, sur l'île de Madagascar.
  15. Légionnaires reconvertis en mercenaires à cause de leur variété d'origine (sud-africaine, israélienne, etc.) strictement disciplinés et discrets dans la population.
  16. Philippe Bernard, Caroline Monnot et Philippe Bernard, « Une société américaine forme les militaires de l'Union africaine », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  17. « Documents - Le colonel », sur orbspatrianostra.com.
  18. « Mercenaire. La mort du « corsaire de la République » », La Dépêche du Midi,‎ (lire en ligne).
  19. Pascal Perri, Comores : Les nouveaux mercenaires, Editions L'Harmattan, , 171 p. (ISBN 978-2738428622), p. 25.
  20. Jean-Philippe Ceppi, Une semaine après le coup d'État du mercenaire Bob Denard dans l'archipel, l'intervention des forces françaises aux Comores chasse les putschistes, Libération, 5 octobre 1995.
  21. « Bob Denard, «le vieux» sur le banc. A l'ouverture de son procès pour l'assassinat du président comorien en 1989, le mercenaire s'est défini comme «une légende». », sur Libération (consulté le ).
  22. « Bob Denard, un « affreux » au Rwanda », sur Le Monde.fr, .
  23. « Génocide au Rwanda : le rôle trouble du mercenaire Bob Denard et des services français – JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. Libération, Bob Denard acquitté. Les Comoriens présents au procès ont hué le verdict des jurés de la cour d'assises., 20 mai 1999.
  25. Taki versus Abdallah; http://www.comores-online.com/mwezinet/histoire/taki2.htm.
  26. Quotidien de la Réunion.
  27. a et b AFP, « Bob Denard devant la justice », sur La Libre.be (consulté le ).
  28. « Bob Denard, mercenaire », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  29. Soldat de fortune Patrick Ollivier.
  30. Onirik - Wayne Shelton, tome 6 : L’Otage - Avis - .

Annexes[modifier | modifier le code]

Sources et bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]