Bataille de Ladé (494 av. J.-C.) — Wikipédia

Bataille de Ladé
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de Ladé, Milet et la péninsule de Mycale
Informations générales
Date
Lieu près de l'île de Ladé, au large de Milet, Ionie
Issue Victoire achéménide décisive
Belligérants
Ioniens Empire perse
Commandants
Denys le Phocéen Datis ?
Forces en présence
353 navires
(100 de Chios)
(80 de Milet)
(70 de Lesbos)
(60 de Samos)
(43 autres)
600 navires
Pertes
inconnues inconnues

Guerres médiques

Batailles

Coordonnées 37° 31′ 49″ nord, 27° 16′ 42″ est

La bataille de Ladé ou Ladè est une bataille navale qui se déroula en durant la révolte de l'Ionie entre les cités ioniennes révoltées et l'Empire perse de Darius Ier. Elle se solda par une victoire décisive des Perses qui mit fin à la révolte.

Sources[modifier | modifier le code]

Contrairement à d'autres épisodes des guerres médiques ou de la révolte de l'Ionie, le seul récit antique de la bataille de Ladé qui nous soit parvenu est celui d'Hérodote dans son Enquête ou Histoires datées de [1]. Hérodote est un Grec ionien né pendant la seconde guerre médique à Halicarnasse, cité située en Asie mineure, à la croisée des mondes helléniques et perse. Cette origine ainsi que ses nombreux voyages dans l'empire achéménide et en Méditerranée expliquent sa bonne connaissance des deux belligérants[2].

Contexte[modifier | modifier le code]

La révolte[modifier | modifier le code]

Événements de la révolte de l'Ionie.

L'Ionie est constituée de douze cités grecques fondées depuis au moins le VIIIe siècle avant l'ère chrétienne : Milet, Éphèse, Phocée, Clazomènes, Colophon, Priène, Téos, Chios, Samos, Érythrée, Myonte et Lébédos. Il faut y ajouter les cités de l'Éolide, région située au nord-ouest de l'Ionie, dont celle de Smyrne. Autonomes, elles sont toutes soumises au pouvoir perse[3]. Milet dispose d'un statut à part : son traité d'amitié conclu avec Cyrus avant la conquête de la région lui assure une relative indépendance[4]. C'est pourtant Milet qui se trouve à l'origine du soulèvement de 499.

Ces cités sont unies au sein de la Ligue ionienne, une alliance forgée au VIIe siècle av. J.-C. qui ne joue plus de rôle militaire depuis la conquête de Cyrus mais qui conserve un rôle religieux, culturel et politique à travers une amphictyonie chargée du culte de Poséidon Helikonios au sanctuaire du Panionion, au cap Mycale[5]. Cette institution facilite les échanges nécessaires à une révolte commune.

En 499, Aristagoras, alors tyran de Milet, organise une expédition commune avec le satrape de Lydie Artapherne dans le but de conquérir Naxos. Cette expédition est un grave échec et Aristagoras, sentant sa position menacée, incite l'Ionie tout entière à se révolter. Cette révolte contre les Perses se double d'une révolte contre les tyrans dirigeant les cités et clients de Darius[6].

Artapherne est le frère du grand roi Darius Ier. Il dirige l'une des vingt satrapies de l'empire depuis 510 mais dispose également d'une autorité étendue à « tous les pays maritimes d'Asie »[7] donc les cités côtières et les îles d'Asie mineure.

En 498, les Ioniens passent à l'offensive, pillent et incendient les faubourgs de Sardes avant d'être vaincus près d'Éphèse[8]. Mais la révolte s'étend aux autres cités grecques de l'Asie mineure et de la mer Égée, à la Carie et à Chypre et trois ans de guerre acharnée s'ensuivent, sans résultats décisifs. La mort d'Aristagoras au combat n'a pas de conséquences sur la poursuite de la révolte[9].

Le siège de Milet[modifier | modifier le code]

Au début 494, la guerre entre dans sa sixième année. Les Perses concentrent leurs forces terrestres et navales sur Milet, épicentre de la révolte[10]. La confédération ionienne se réunit au Panonium pour envisager de l'aide à apporter aux assiégés. Il est décidé de ne pas débarquer de troupes mais de réunir tous les navires disponibles afin de briser le blocus maritime et de rendre ainsi le siège inutile[11].

Composition des flottes et tactiques[modifier | modifier le code]

La trière[modifier | modifier le code]

Une trière grecque.

Le navire le plus utilisé par les deux camps est la trière. Cette galère de combat antique tire son nom de ses trois rangs de rameurs, ses dimensions moyennes étaient de 36 mètres de long, 5 mètres de large, 2,2 mètres au-dessus de l'eau et un tirant d'eau de moins d'un mètre[12],[13]. Pourvu d'une voile unique, elle est avant tout propulsée par des rameurs. Peu stable, s'usant rapidement, nécessitant un entretien constant et fragile en cas de mauvais temps, la trière est un mauvais navire ; elle est par contre un « excellent engin de guerre »[14]. La composition classique d'une trière est de 200 hommes : en plus de 170 rameurs et d'une dizaine de matelots servant aux manœuvres, elle peut embarquer une vingtaine de soldats, appelés épibates chez les Grecs, regroupant hoplites, archers et autres lanceurs de jets[15],[16]. Au début du Ve siècle av. J.-C., la trière est une invention récente apparue en Méditerranée depuis moins d'un demi-siècle. Elle a été mise au point par les Phéniciens[17] ou les Samosiens[18],[19],[20], justement deux des principales flottes engagées à Ladé.

Forces en présence[modifier | modifier le code]

Pièce représentant un navire de guerre phénicien. On distingue un éperon et des soldats munis de casques et de boucliers

Même si les chiffres fournis par Hérodote sont à prendre avec précaution, ils rendent compte du rapport de force[21]. Les Perses veulent en finir avec Milet et ont concentré tous leurs effectifs, les Grecs ont jeté toutes leurs dernières réserves dans une bataille qu'ils savent décisive[21].

D'après Hérodote, l'armada perse compte « 600 voiles »[22]. Les Perses, peuple issu des hauts plateaux iraniens, ne sont pas une puissance maritime[23]. Cependant, depuis Cambyse, ils disposent des flottes phéniciennes, en particulier des cités portuaires de Tyr et Sidon[24]. Les Phéniciens sont l'autre grand peuple de marins en Méditerranée, pour la guerre et le commerce, ils ont mis au point de nombreuses techniques navales reprises par les Grecs. Plus alliés que sujets, ils constituent la colonne vertébrale de la marine achéménide[25]. Les Perses ont également mobilisé les navires chypriotes, ciliciens et égyptiens[10]. Chypre comprend des cités grecques et phéniciennes qui se sont jointes à la révolte ionienne en 497 mais qui ont été ramenées par la force dans le camp perse. Les Égyptiens sont d'excellents marins qui embarquent des « commandos d'abordage » munis de piques d'arraisonnement et de grandes haches, bien protégés par des casques, cuirasses et boucliers[26].

Toujours d'après Hérodote, les Grecs ont rassemblé 353 trières[27]. Outre les Milésiens qui alignent 80 vaisseaux, le gros des forces est constitué des escadres des îles de Chios (100), Lesbos (70) et Samos (60). Les cités d'Érythrée, de Téos, de Priène, de Myonte et de Phocée ont également fourni quelques navires.

Tactiques[modifier | modifier le code]

À Ladé, l'éventail des tactiques n'est pas aussi élaboré que pendant la seconde guerre médique ou la guerre du Péloponnèse. Les voiles sont repliées et on ne les hisse que pour fuir[28], les manœuvres sont effectuées à la rame. La plus vieille tactique de combat naval consiste à aborder l'ennemi pour engager le combat sur son pont, d'où l'utilité de l'infanterie de marine (embarquée). Depuis l'invention de la trière, les adversaires tentent également de s'éperonner, avec le risque d'endommager leur propre navire, voire de couler avec leur victime si la proue est trop enfoncée. Selon Hérodote, Dionysos de Phocée met au point une tactique nouvelle qu'il tente d'enseigner à ses marins : feignant de tenter un éperonnage, la trière doit se glisser entre deux embarcations ennemies pour briser ses avirons[29]. Elle fait ensuite demi-tour et attaque par derrière ou de côté l'ennemi privé de mouvement. Cependant, il est possible que les Phéniciens aient maîtrisé également cette tactique, voire qu'ils en fussent les inventeurs[30].

La bataille[modifier | modifier le code]

Les Ioniens cherchèrent à défendre Milet par la mer et leur flotte se rassembla à l'île de Ladé, au large de la cité éponyme. Les Perses cherchèrent à persuader certaines des cités ioniennes de faire défection et le contingent venu de Samos accepta leur offre. Quand les deux flottes se rencontrèrent, les navires venus de Samos (à l'exception de 11 qui restèrent pour se battre) fuirent la bataille, causant une grande confusion dans la ligne de bataille ionienne. Voyant cette trahison, la flotte envoyée par Lesbos prit à son tour la fuite. Bien que le contingent venu de Chios ainsi que quelques autres navires se battissent avec courage, la bataille était perdue.

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les ruines de Didymes, sanctuaire d'Apollon de Milet.

Avec la défaite de Ladé, la rébellion tout entière s'écroula. Milet fut prise peu après et ses habitants massacrés ou réduits en esclavage. L'année suivante, les Perses avaient conquis les dernières places-fortes des rebelles et ramené la paix dans la région. Cette révolte fut le premier conflit opposant la Perse et le monde grec et elle représente la première phase des guerres médiques. Bien que l'Asie Mineure ait été ramenée dans le giron de l'Empire, Darius se jura de punir Athènes et Érétrie pour le soutien que ces deux cités avaient apporté aux rebelles. De plus, voyant que la multitude de cité-États grecques représentait une menace pour la stabilité de l'Empire, il décida de conquérir la Grèce tout entière. En 492, l'invasion de la Grèce par les Perses, deuxième phase des guerres médiques, serait une conséquence directe de la révolte de l'Ionie.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Briant 1996, p. 161.
  2. Airton Pollini, « Hérodote le père de l'Histoire », Histoire antique et médiévale 49, juin 2010, p. 14.
  3. Hérodote, VII, 51
  4. Briant 1996, p. 46.
  5. Hérodote, I, 152
  6. Lefèvre 2007, p. 177.
  7. Hérodote, V, 30
  8. Hérodote, V, 100-103
  9. Hérodote, V, 126
  10. a et b Hérodote, VI, 6
  11. Hérodote, VI, 7
  12. Ducrey 1999, p. 160.
  13. Vernant 1999, p. 247.
  14. Vernant 1999, p. 265.
  15. Ducrey 1999, p. 162.
  16. Vernant 1999, p. 263.
  17. Dridi 2006, p. 128.
  18. Thucydide, I, 13
  19. Ducrey 1999, p. 159.
  20. Vernant 1999, p. 243.
  21. a et b Briant 1996, p. 167
  22. Hérodote, VI, 9
  23. Huyse 2005, p. 30.
  24. Pagès 2001, p. 105.
  25. Briant 1996, p. 504-506.
  26. Green 2008, p. 111.
  27. Hérodote, VI, 8
  28. Vernant 1999, p. 259.
  29. Hérodote, VI, 12
  30. D'après Sôlysos de Lacédémone, conseiller grec d'Hannibal au IIIe siècle av. J.-C., cité dans Vernant 1999, p. 269

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources antiques[modifier | modifier le code]

Ouvrages contemporains[modifier | modifier le code]