Banque centrale — Wikipédia

Le siège de la Réserve fédérale à Washington, DC

La banque centrale est une institution financière publique chargée par l'État de conduire la politique monétaire du pays ou de sa zone économique. Elle est régie par un mandat qui précise ses objectifs, tels que la stabilité des prix, la confiance en la monnaie, la stabilité financière ou encore le plein emploi. Une banque centrale peut être indépendante du pouvoir politique.

Définition[modifier | modifier le code]

Une banque centrale est une institution financière publique ou semi-publique, chargée de la gestion de la politique monétaire d’un pays ou d’une zone monétaire dont elle a la responsabilité. Il n'existe pas un seul type de banques centrales, car chaque pays peut lui accorder des missions et lui conférer des outils différents. Les lois nationales ou des traités supranationaux peuvent également contraindre la banque centrale ou lui donner des pouvoirs d'action supplémentaires.

Les objectifs de politique monétaire des banques centrales sont fixés par leurs statuts. Ces statuts varient, et fixent des objectifs qui peuvent inclure, en plus de la stabilité des prix, d'autres objectifs, comme la réduction du chômage. La Banque centrale européenne a ainsi pour « objectif principal […] de maintenir la stabilité des prix »[1], là où la Réserve fédérale des États-Unis a trois objectifs : « un taux d'emploi maximum, des prix stables et des taux d'intérêt à long terme peu élevés ». Ainsi la Fed doit prioritairement, par ses statuts, chercher à influencer le chômage dans le sens de la baisse notamment tout en maintenant des prix stables, tandis que la Banque centrale européenne a pour objectif fondamental la seule stabilité des prix.

Les banques centrales peuvent être dépendantes ou indépendantes du pouvoir politique. Un mouvement d'indépendance a eu lieu dans les années 1980 et 1990, à la suite de la publication d'un grand nombre d'études qui concluaient à une relation négative entre l'indépendance de la banque centrale et le taux d'inflation[2]. La Banque centrale européenne (BCE) est par exemple entièrement indépendante. Certaines banques centrales ont émis des actions détenues par des acteurs privés, comme la Réserve fédérale des États-Unis (la Fed) et la Banque du Japon.

Les banques centrales peuvent chercher à atteindre l'objectif de relative stabilité des prix au moyen de plusieurs instruments, qui leur permettent de faire varier la masse monétaire en circulation dans le pays et le coût des crédits accordés aux particuliers et entreprises. Le principal instrument est la fixation des taux directeurs. Ces taux déterminent le coût pour les banques commerciales à se refinancer auprès de la banque centrale[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

L'histoire de la banque centrale peut se lire à l'aune de sa double nature, plus ou moins prononcée selon les moments, de banque des banques et de banque du gouvernement. Cette tension a régulièrement fait craindre qu'elle soit trop subordonnée à l'une de ses parties prenantes (banques et/ou gouvernement) ou, au contraire, qu'elle prenne l'ascendant et acquiert un pouvoir trop important[4].

On considère généralement que l'histoire des banques centrales se déroule essentiellement de la fin du XIXe siècle à nos jours. Pendant cette période, ces institutions se sont imposées dans la quasi-totalité des pays du monde[5], avec des variations dans leur organisation et leurs principes selon les divers contextes politiques, institutionnels et historiques dans lesquels elles s'inscrivaient. Toutefois, depuis au moins le XVIe siècle, des banques publiques ou des institutions financières privées qui ne portaient pas le nom de « banques centrales » ont rempli des fonctions similaires[6].

Missions[modifier | modifier le code]

Stabilité monétaire[modifier | modifier le code]

La plupart des banques centrales a pour mission d'assurer la stabilité monétaire, c'est-à-dire la stabilité des prix. Elle doit dans ce cas veiller à ce que l'inflation ne dépasse par une borne fixée à l'avance[7]. Certains auteurs, comme Milton Friedman, ont soutenu que le maintien de l'inflation à un niveau faible est la mission principale et essentielle des banques centrales[8].

Prêt en dernier ressort[modifier | modifier le code]

Les banques centrales agissent comme des prêteurs en dernier ressort en cas de crise bancaire. Elles assurent ainsi la solvabilité des banques de son système. Certains auteurs, comme Hyman Minsky, considèrent qu'il s'agit de la mission principale et essentielle des banques centrales[8].

Croissance et plein emploi[modifier | modifier le code]

Certaines banques centrales, comme la Réserve fédérale des États-Unis, disposent, dans leur mandat, d'une mission relative au soutien à la croissance et au maintien du plein emploi[7].

Supervision financière[modifier | modifier le code]

La banque centrale peut aussi disposer d'un rôle de supervision et de régulation du fonctionnement des marchés financiers. Elle doit ainsi assurer le respect des réglementations du risque (ratio de solvabilité) des institutions financières, et en particulier des banques de dépôts)[7].

Actions[modifier | modifier le code]

Émission de monnaie[modifier | modifier le code]

La banque centrale est d'ordinaire chargée d'assurer l'émission de monnaie fiduciaire (ou monnaie banque centrale). La quantité de celle-ci doit correspondre aux besoins de l'économie nationale[9]. En effet, son abondance génère l'inflation qui réduit le pouvoir d'achat de la population et la compétitivité des produits nationaux, même si elle favorise la croissance économique et l'emploi et sa rareté provoque la déflation qui induit une baisse de la liquidité nécessaire au fonctionnement normal de l'activité économique en favorisant la décroissance économique et le sous emploi[9]. Cependant cette relation entre augmentation de la masse monétaire et inflation est remise en cause, en particulier depuis 2008[10].

Fixation des taux directeurs[modifier | modifier le code]

La banque centrale a un pouvoir important car elle dispose de leviers d'action que sont les taux directeurs. Ces taux, appliqués aux banques de second rang, permettent de moduler les coûts de financement et de refinancement des banques, et influe ainsi sur l'activité économique.

Fixation du taux de réserves obligatoires[modifier | modifier le code]

La banque centrale fixe des niveaux de réserves obligatoires (RO).

Réescompte[modifier | modifier le code]

La banque centrale gère l'achat des effets de commerce (lettres de change et billets à ordre) non échus. Ces opérations consistent, pour la banque centrale, à reprendre les effets portés par les banques commerciales, ou d'affaires, pour leurs montants nominaux , mais réduits de l'intérêt portant sur la période restant à courir jusqu'à l'échéance[9].

Opérations financières[modifier | modifier le code]

Une banque centrale peut se rendre sur les marchés financiers afin d'y agir. Elle réalise traditionnellement des opérations d'open market. Les politiques monétaires non conventionnelles lui permettent également de mener des opérations d'assouplissement quantitatif.

Gestion des réserves[modifier | modifier le code]

Les banques centrales ont parfois le mandat de la gestion des réserves d'or et de change des pays.

Maintien du compte du budget général de l’État[modifier | modifier le code]

La banque centrale peut être chargée du maintien du compte du Budget général de l'État (BGE)[11],[12].

Prêt en dernier ressort[modifier | modifier le code]

La banque centrale peut jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise systémique.

Activités de recherche[modifier | modifier le code]

Les banques centrales peuvent mener des activités de recherche (pour l'expertise interne ou pour des revues scientifiques), et emploient parfois pour cela un grand nombre d'économistes (par exemple à la Réserve fédérale des États-Unis[13]). La nature des recherches (économie monétaire, prévision macroéconomique, modélisation des risques, etc.) menées par une banque centrale dépend des missions qui lui sont attribuées, des problèmes techniques ou politiques qu'elle rencontre et de ses liens changeants avec le monde académique et ses normes[14],[15].

Effets[modifier | modifier le code]

Inflation[modifier | modifier le code]

Lorsque le taux d'intérêt baisse, les agents économiques empruntent davantage pour acheter, ce qui provoque une hausse de la demande et donc une tendance à la hausse des prix. Inversement, lorsque le taux d'intérêt monte, les agents économiques empruntent moins, donc achètent moins, et il existe une tendance à la baisse des prix.

Ainsi, lorsque les prix montent ou risquent de monter, la banque centrale augmente le taux d'intérêt. Cela tend à réduire le volume du crédit, donc la demande de produits et services, ce qui ralentit cette hausse des prix. Inversement, lorsque les prix ont tendance à baisser, la banque centrale baisse le taux d'intérêt, ce qui augmente la demande, ce qui tend à une hausse des prix.

Croissance[modifier | modifier le code]

La banque centrale effectue une veille macro-économique afin que la monnaie conserve une valeur stable, un pouvoir d'achat stable. Ce pouvoir d'achat est évalué par un indice des prix. Cela est parfois lié à un mandat explicite de croissance économique. Dans ce cas, la politique monétaire est soumise à une mission liée au plein-emploi[7].

Crédibilité[modifier | modifier le code]

L'inflation est déterminée concrètement par le comportement des agents (choix des prix de vente par les entreprises, comportement d'achat et d'épargne des ménages, marchés financiers, etc.). Ces agents déterminent leur comportement en fonction de leurs anticipations d'inflation future. Dès lors, il est essentiel pour la banque centrale que ces agents croient en sa capacité à atteindre ses objectifs d'inflation pour que ceux-ci se réalisent.

La crédibilité d'une banque centrale met des années, parfois des décennies, avant d'être obtenue. Elle est basée sur la confiance qu'ont les agents économiques en la capacité de la banque centrale à faire face aux chocs économiques avec une politique monétaire appropriée.

Principales banques centrales dans le monde[modifier | modifier le code]

Zone franc :

La Banque des règlements internationaux (BRI), située à Bâle est souvent présentée pour « la banque centrale des banques centrales », au motif que seules des banques centrales en sont les actionnaires, mais elle n'en partage pas leurs fonctions.

Critiques[modifier | modifier le code]

Échecs face aux crises[modifier | modifier le code]

L'école autrichienne critique l'action des banques centrales, qui sont selon elle responsables des crises financières à répétition. Milton Friedman attribue par exemple la spirale déflationniste des années 1930 à l'échec de la Réserve fédérale américaine à fournir assez de liquidités lors d'une phase dite de grande contraction[16].

Biais de la recherche économique[modifier | modifier le code]

Les banques centrales emploient des économistes et figurent parmi les institutions qui publient le plus grand nombre d'articles de recherche à impact dans le monde économique. Toutefois, comme le remarque une étude publiée en 2020 de Fabo, Jančoková, Kempf et Pastor, les chercheurs issus des banques centrales ont parfois tendance à évaluer de manière trop positive les politiques menées par les banques centrales[17],[18].

Concurrence des monnaies[modifier | modifier le code]

Le système monétaire qui s'oppose au monopole de la banque centrale est le système de concurrence des monnaies. Milton Friedman a notamment déclaré que « un des grands problèmes économiques de notre temps qu’il reste à résoudre est celui de la suppression de la Réserve fédérale »[19].

Paru en 1976 aux États-Unis[20], l'ouvrage de Friedrich Hayek Pour une vraie concurrence des monnaies est un appel au libre arbitre monétaire prônant l'abolition du monopole de la banque centrale. Ce livre est à cette dernière date d'actualité selon la BCE[21],[22], puisqu'il s'agirait de la base théorique du Bitcoin (et de la technologie blockchain) où des milliers de monnaies privées sont en concurrence[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Protocole sur les statuts du système européen [PDF] de banques centrales et de la Banque centrale européenne.
  2. Yoann Brun, Lou Dumez, Matthias Knol et Fabrice Tricou, Monnaie et financement de l'économie, (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408)
  3. (en) Olivier de Bandt, Françoise Drumetz et Christian Pfister, Preparing for the Next Financial Crisis, Taylor & Francis Group, (ISBN 978-1-138-59470-8, lire en ligne)
  4. (en) Eric Monnet, « The History of Central Banks », dans Oxford Research Encyclopedia of Economics and Finance, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-062597-9, DOI 10.1093/acrefore/9780190625979.013.877, lire en ligne)
  5. (en) Forrest Capie, « Central Banking », dans The Oxford Handbook of Banking and Financial History, Oxford University Press, , 341–363 p. (ISBN 978-0-19-965862-6, DOI 10.1093/oxfordhb/9780199658626.013.17, lire en ligne)
  6. (en) Stefano Ugolini, « The Historical Evolution of Central Banking », dans Handbook of the History of Money and Currency, Springer Singapore, , 1–22 p. (ISBN 978-981-10-0622-7, DOI 10.1007/978-981-10-0622-7_31-1, lire en ligne)
  7. a b c et d Adrien Lehman, Monnaies, culture et actualité monétaires, (ISBN 978-2-10-081777-1 et 2-10-081777-9, OCLC 1274117266)
  8. a et b Laurent Le Maux, Théorie et évolution des banques centrales, (ISBN 979-10-370-1946-2, 978-979-1037-01-3 et 979-1037-01-9, OCLC 1333263957)
  9. a b et c J.-F. Bocquillon et M. Mariage, Économie générale : première G, Paris, Éditions Bordas, , 212 p. (ISBN 2-04-018961-0), p. 110
  10. Banque de France, « Le lien entre monnaie et inflation depuis 2008 » [.pdf] (consulté en )
  11. J.-F. Bocquillon et M, Mariage, ..., p. 111
  12. le Budget général de l'État est un document qui enregistre, d'une part, les recettes du Trésor public, formées essentiellement, par les impôts et, d'autre part, les dépenses qui correspondent, en gros, au traitement des fonctionnaires publics. A la fin de l'année financière qui peut correspondre à l'année civile, le Budget peut être excédentaire (les recettes excèdent les dépenses) ou déficitaire dans le cas inverse, mais très rarement à solde nul.
  13. (en) François Claveau et Jérémie Dion, « Quantifying central banks’ scientization: why and how to do a quantified organizational history of economics », Journal of Economic Methodology, vol. 25, no 4,‎ , p. 349–366 (ISSN 1350-178X et 1469-9427, DOI 10.1080/1350178X.2018.1529216, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Aurélien Goutsmedt, Francesco Sergi, Béatrice Cherrier et Juan Acosta, « To change or not to change. The evolution of forecasting models at the Bank of England », Journal of Economic Methodology,‎ , p. 1–21 (ISSN 1350-178X et 1469-9427, DOI 10.1080/1350178X.2024.2303113, lire en ligne, consulté le )
  15. (en) Matthias Thiemann, Carolina Raquel Melches et Edin Ibrocevic, « Measuring and mitigating systemic risks: how the forging of new alliances between central bank and academic economists legitimize the transnational macroprudential agenda », Review of International Political Economy, vol. 28, no 6,‎ , p. 1433–1458 (ISSN 0969-2290 et 1466-4526, DOI 10.1080/09692290.2020.1779780, lire en ligne, consulté le )
  16. Monetary History of the United States 1867-1960
  17. (en) Michael Rapoport, Are central-bank economists overstating QE’s effectiveness?, review.chicagobooth.edu,
  18. (en) Elisabeth Kempf, Lubos Pastor, Fifty shades of QE: Central bankers versus academics, voxeu.org,
  19. "One unsolved economic problem of the day is how to get rid of the Federal Reserve." - « Interview with Milton Friedman », The Region, Réserve fédérale de Minneapolis, (consulté le ).
  20. (en-GB) F. A. Hayek, Denationalisation of Money, (présentation en ligne).
  21. (en) « BCE virtual currency schemes », sur ecb.europa.eu, .
  22. (en) Jon Matonis, « ECB: "Roots Of Bitcoin Can Be Found In The Austrian School Of Economics" », Forbes,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. (en-US) « Digital Currencies Are Bringing to Reality Hayek's Free Market Money - CryptoCoinsNews », CryptoCoinsNews,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-François Boudet, Brèves réflexions sur l’indépendance des banques centrales, Revue Générale du Droit (RGD), , https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2020/04/21/breves-reflexions-sur-lindependance-des-banques-centrales/
  • Edwin Le Héron et Philippe Moutot, Les Banques centrales doivent-elles être indépendantes ?, Prométhée, coll. Pour ou contre ?, Bordeaux, 2008 (ISBN 978-2916623023)
  • Collectif, Gouverner une banque centrale : du XVIIe siècle à nos jours, Albin Michel, 2010

Liens externes[modifier | modifier le code]