Article 53 de la Constitution de la Cinquième République française — Wikipédia

Article 53 de la Constitution du

Présentation
Pays France
Langue(s) officielle(s) français
Type article de la Constitution
Adoption et entrée en vigueur
Régime IVe République
Présidence René Coty
Législature IIIe législature
Gouvernement Charles de Gaulle (3e)
Approbation
Promulgation
Publication
Entrée en vigueur

L'article 53 de la Constitution de la Ve République française est un article constitutionnel dont l'objet principal est d'énumérer les catégories de traités ou autres accords internationaux dont la ratification ou l'approbation doit être autorisée par une loi adoptée par le Parlement ou, dans le cadre l'article 11, par référendum.

Texte[modifier | modifier le code]

« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.

Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés.

Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées. »

— Article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958[1]

Contenu[modifier | modifier le code]

L'article 53 de la Constitution du est le deuxième article du titre VI (« Des traités et accords internationaux ») de celle-ci. Il est en vigueur depuis le , date de publication de la Constitution du au Journal officiel de la République française[2]. Il succède à l'article 27 de la Constitution du , en vigueur sous la IVe République.

L'article 53 présente trois différences par rapport à l'article 27[3]. En premier lieu, les traités « relatifs au droit des Français à l'étranger » ne figurent plus au nombre de ceux dont la ratification doit être autorisée par une loi[3]. En deuxième lieu, sont mentionnés les traités qui modifient des dispositions de nature législative et non plus ceux qui modifient des lois internes françaises[3]. En troisième lieu, dans tous les domaines, à l'exception des traités de paix et des traités de commerce, il n'est plus question que de traités à ratifier mais de traités ou d'accords à approuver[3].

Alors que cet article de la Constitution prévoit la ratification des « traités de commerce », la ratification par la France du traité de Lisbonne transfère la signature de traités de commerce à la compétence exclusive de l'Union Européenne, et le Parlement français n'a plus à être consulté de façon obligatoire lors de la signature de tels traités par l'UE, sauf si ces traités comportent d'autres dispositions que commerciales et sont qualifiés de « mixtes ». Le Parlement peut donc bloquer un traité de commerce européen en ne le ratifiant pas[4].

Le traité étant d’application obligatoire en droit international (pacta sunt servanda) il ne peut plus faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel une fois ratifié[5].

Le troisième alinéa constitutionnalise la nécessité de l'obtention du consentement de la population dans la cession ou l'échange d'une part du territoire français. Cet alinéa est quasiment identique à l'article 27 de la constitution de 1946 et à la constitution de 1875. Il ne concerne que la cession à un état étranger et non la sécession[6]. Cet alinéa fut discuté par plusieurs historiens pour la guerre d'Algérie et fut vu comme une volonté du général de Gaulle pour ouvrir la voie à l'autodétermination[7],[8], en transgressant le principe de l'intégrité territoriale[9]. Cette disposition n'a trouvé application que dans le cadre de l'indépendance de territoires coloniaux ou d'anciens territoires coloniaux, comme les Comores[10].

Élaboration[modifier | modifier le code]

Au cours de l'élaboration de la Constitution du , la première rédaction du futur article 53 apparaît le dans les documents préparatoires à une réunion du groupe de travail chargé de rédiger la nouvelle Constitution[11]. Elle a été établie par François Luchaire, avec l'accord du ministère des Affaires étrangères, dont André Gros[11]. Le texte est le suivant : « Les traités de paix, les travaux ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui modifient une loi, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, sont ratifiés ou approuvés en vertu d'une loi. »[12]. Le texte soumis au Comité consultatif constitutionnel le est presque identique[12]. La liste des traités dont la ratification est soumise à autorisation législative n'est pas modifiée[12]. Le Comité consultatif constitutionnel, pendant la première quinzaine d', n'accorde que peu d'importance au texte[12]. Il propose de rajouter les traités de commerce à l'énumération prévue[12]. Par la suite, la commission spéciale du Conseil d'État s'interroge sur l'ajout des accords de Communauté à l'énumération[12]. La question est renvoyée au titre de Constitution sur la Communauté. L'expression « qui modifient une loi » est remplacée par « qui modifient des dispositions de nature législative »[12]. Lors de l'examen du texte devant l'assemblée générale du Conseil d'État, la discussion ne porte que sur la suppression de l'énumération des traités « relatifs au droit de propriété des Français à l'étranger »[13]. Ils ne sont pas rajoutés[13].

Doctrine[modifier | modifier le code]

Comme à l'article 52, traité s'entend d'un accord international en forme solennelle[14],[15].

La signature d'un traité ou accord relevant du champ d'application de l'article 53 doit être faite « sous réserve de ratification ou d'approbation »[15].

La Constitution n'a pas prévu le cas de l'adhésion de la France à un traité ou accord préexistant[16],[17] à la négociation duquel elle n'a pas participé[18] ou dont elle n'est pas signataire[16]. Mais l'adhésion suit le régime de la ratification[16],[17]. Dès lors, lorsque le traité ou l'accord préexistant relève d'une des catégories énumérées à l'article 53, l'adhésion doit être autorisée par une loi[16].

L'exécutif n'est pas tenu de solliciter l'autorisation du Parlement : la Constitution ne lui impartit aucun délai à cet effet[19]. Lorsqu'il la sollicite, la Constitution n'impartit au Parlement aucun délai pour se prononcer[19].

Une fois l'autorisation accordée, l'exécutif reste libre de différer la ratification, l'approbation ou l'adhésion du traité ou de l'accord voire de décider de ne pas le ratifier, l'approuver ou y adhérer[20].

Jurisprudence[modifier | modifier le code]

Paix[modifier | modifier le code]

Le Conseil constitutionnel n'a pas eu à se prononcer à propos de « traités de paix »[21].

Organisation internationale[modifier | modifier le code]

Depuis la décision no 70-39 DC du , le Conseil constitutionnel considère que les « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » s'entendent de ceux dont l'objet est la participation de la France « à la création ou au développement d'une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétence consentis par les États membres »[22]. Le Conseil constitutionnel a confirmé son interprétation dans plusieurs décisions dont sa décision no 92-308 DC du [23].

Modification de dispositions de nature législatives[modifier | modifier le code]

Les « traités ou accords (...) qui modifient des dispositions de nature législative » forment « la plus importante des catégories » d'engagements internationaux dont la ratification ou l'approbation doit être autorisée par une loi[24].

Dans sa décision no 70-39 DC du , le Conseil constitutionnel a considéré que, pour relever du premier alinéa de l'article 53, il n'est pas nécessaire que l'engagement international modifie une loi existante : il suffit que, « sur certains points, (il) porte sur des matières de nature législative telles qu'elles sont définies à l'article 34 de la Constitution »[23],[22],[25]. Depuis le début des années 1980, le Conseil d'État interprète l'expression « qui modifient des dispositions de nature législative » comme visant tout traité ou accord portant sur des matières relevant, en droit interne, du domaine de la loi[24].

Principe de libre détermination des peuples d'outre-mer et de libre manifestation de leur volonté[modifier | modifier le code]

Depuis la décision no 75-59 DC du , le Conseil constitutionnel déduit du troisième et dernier alinéa de l'article 53 un principe dit « de libre détermination des peuples d'outre-mer et de libre manifestation de leurs volonté » et ayant valeur constitutionnelle[26]. Il a confirmé l'existence et la valeur constitutionnelle de ce principe dans sa décision no 87-226 DC du [27].

Loi d'autorisation[modifier | modifier le code]

La loi prévue à l'article 53 est une loi ordinaire[28]. Le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans ses décisions nos 93-318 DC[29],[30] et 93-319 DC[29],[31] du .

L'objet de la loi est d'autoriser la ratification du traité ou l'approbation de l'accord concerné. Le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans sa décision no 2003-470 DC du en « considérant que le seul pouvoir reconnu au Parlement en matière de traités et d'accords internationaux par la Constitution est celui d'en autoriser ou d'en refuser la ratification ou l'approbation dans les cas mentionnés à l'article 53 »[32].

Contrôle de la régularité des actes de ratification[modifier | modifier le code]

La jurisprudence du Conseil d'État Ass. Villa, du 16 novembre 1956 avait indiqué que qu'il refusait de contrôler l'intervention d'une autorisation parlementaire. Cela permettait à l'époque une entorse à la lettre de la Constitution, car l'exécutif pouvait ratifier un traité sans passer par le Parlement[33]. Un revirement de jurisprudence a eu lieu avec l'arrêt CE SARL Parc d'activités de Blotzheim du 18 décembre 1998, où le CE a indiqué qu'il contrôle la régularité des actes de ratification[34].

Autres[modifier | modifier le code]

La DC 78-99 du 29 décembre 1978 précise qu'un engagement ou une annonce politique ne saurait être considérée comme un traité créateur de droit. Ainsi, la résolution du 5 décembre 1978 où le Conseil européen a prévu qu'un système monétaire européen serait instauré à compter de l'année suivante, ne peut faire l'objet d'une ratification[35].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958, sur Légifrance
  2. Constitution du , art. 53.
  3. a b c et d Dhommeaux 1975, p. 843.
  4. Rôle du parlement français dans la ratification du traité transatlantique - Question écrite n° 12514 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam - 14e législature sur le site senat.fr, 17 juillet 2014
  5. Caroline Benoist-Lucy et Jean-Claude Ricci, MEMENTO Jurisprudence Droit Administratif, Hachette Éducation, (ISBN 978-2-01-140083-3, lire en ligne)
  6. Frederic Rouvillois, La révolution de 1958, 2020
  7. Benjamin Stora, Le mystère De Gaulle : son choix pour l'Algérie, 2009
  8. « Jean-François PAYA : L’ALGERIE et la Constitution de 1958 », sur Clan R,
  9. Henri-Christian Giraud, Chronologie d'une tragédie gaullienne : Algérie, 13 mai 1958-5 juillet 1962, Éditions Michalon, 2012
  10. (en) Council of Europe et European Commission for Democracy through Law, Democracy, Rule of Law and Foreign Policy, Council of Europe, , 97 p. (ISBN 978-92-871-5138-4, lire en ligne)
  11. a et b Mauss 1998, p. 112.
  12. a b c d e f et g Mauss 1998, p. 113.
  13. a et b Mauss 1998, p. 114.
  14. Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 1, p. 164.
  15. a et b Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 5, p. 165.
  16. a b c et d Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 6, p. 165.
  17. a et b Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 9, p. 166.
  18. Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 2, p. 164.
  19. a et b Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 8.c, p. 166.
  20. Conseil de l'Europe et Institut britannique de droit international et de droit comparé 2001, § 8.d, p. 166.
  21. Maugüé 2003, p. 61-62.
  22. a et b CC 1970.
  23. a et b Maugüé 2003, p. 62.
  24. a et b Goesel-Le Bihan 2003, p. 59.
  25. France., Guillaume, Marc, 1964- ..., Vedel, Georges, 1910-2002. et Normandie roto impr.), La Constitution, Paris/61-Lonrai, Éditions Points, dl 2019, 487 p. (ISBN 978-2-7578-7976-4 et 2-7578-7976-6, OCLC 1122841782, lire en ligne).
  26. CC 1975.
  27. CC 1987.
  28. Decaux et al. 1996, § 1.2.3, p. 251.
  29. a et b Decaux et al. 1996, § 1.2.3, p. 252.
  30. CC 1993a.
  31. CC 1993b.
  32. CC 2003.
  33. France., Guillaume, Marc, 1964- ..., Vedel, Georges, 1910-2002. et Normandie roto impr.), La Constitution, Paris/61-Lonrai, Éditions Points, dl 2019, 487 p. (ISBN 978-2-7578-7976-4 et 2-7578-7976-6, OCLC 1122841782, lire en ligne)
  34. Nadine Poulet-Gibot Leclerc, Droit administratif : sources, moyens, contrôles, Rosny-sous-Bois, Editions Bréal, , 271 p. (ISBN 978-2-7495-0793-4, lire en ligne)
  35. « Décision n° 78-99 DC du 29 décembre 1978 | Conseil constitutionnel », sur www.conseil-constitutionnel.fr (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Jurisprudence[modifier | modifier le code]

Conseil constitutionnel
  • [CC 1970] Décision no 70-39 DC du (« Traité signé à Luxembourg le portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des Communautés européennes et décision du Conseil des Communautés européennes en date du , relative au remplacement des contributions des États membres par des ressources propres aux Communautés »). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CC 1975] Décision no 75-59 DC du (« Loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores »). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CC 1987] Décision no 87-226 DC du (« Loi organisant la consultation des populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie et dépendances prévue par l'alinéa premier de l'article 1er de la loi no 86-844 du relative à la Nouvelle-Calédonie »). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CC 1993a] Décision no 93-318 DC du Accès libre (« Loi autorisant l'approbation d'un accord conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Mongolie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements »). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CC 1993b] Décision no 93-319 DC du Accès libre (« Loi autorisant la ratification de la Convention internationale no 139 concernant la prévention et le contrôle des risques professionnels causés par les substances et agents cancérogènes, adoptée à Genève le  »). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [CC 2003] Décision no 2003-470 DC du Accès libre (« Résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale (articles 14, 36, 50, 65, 66, 91, 104, 128, 140-1 et 145) ». Document utilisé pour la rédaction de l’article
Conseil d'État

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]