Arsenal nucléaire de la Russie — Wikipédia

Russie
Arsenal nucléaire
Image illustrative de l'article Arsenal nucléaire de la Russie
Programme
Date de lancement 1943
Premier essai nucléaire
Premier essai Bombe H
Dernier essai nucléaire
Statistiques
Charge nucléaire la plus élevée 57 Mt (testée le )
Nombre maximal d'armes nucléaires 45 000 armes (1986)
Nombre total d'essais nucléaires 715
Arsenal courant En 2008 : 3 113 ogives stratégiques[1] ; 2 079 ogives non stratégiques et 8 808 ogives en réserves[1]
En 2016 : ~ 2 600 ogives stratégiques ; 1 950 ogives non stratégiques[2]
Portée maximale 16 000 kilomètres (SS-18)
12 000 kilomètres (sous-marin)
Traités internationaux
Traités signés TNP (1968), ABM (1972), SALT I (1972), SALT II (1979), START I (1991), START II (1993), START III (1997)

L'arsenal nucléaire de la Russie est l'unique héritier de l'arsenal nucléaire de l'Union soviétique.

La fédération de Russie est actuellement la première puissance nucléaire militaire du monde[3],[4],[5],[6].

Union soviétique[modifier | modifier le code]

L'URSS fut la deuxième puissance nucléaire de l'histoire. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et pendant la Guerre froide, l'industrie nucléaire soviétique développa son arsenal concurremment à celui des États-Unis et mit au point de nombreux types d'armes et de vecteurs dépassant son concurrent en nombre d'ogives et de mégatonnage dès les années 1970.

Début du programme[modifier | modifier le code]

Le programme nucléaire fut lancé en secret en 1943 lorsque les services de renseignement soviétiques obtinrent une copie du rapport final de la Commission MAUD indiquant la faisabilité de l'arme atomique. Cela conduisit Staline à décider du lancement d'un programme soviétique, mais doté de ressources très limitées. Plus tard la même année, Igor Kourtchatov fut nommé directeur du programme naissant, lequel, à partir de 1944, fut placé sous la direction du NKVD. Kourtchatov s'entoura de savants comme Iouli Khariton, Iakov Zeldovitch et le futur dissident et concepteur de la bombe H soviétique Andreï Sakharov.

Essais nucléaires[modifier | modifier le code]

L'Union soviétique a effectué officiellement un total de 715 essais nucléaires entre le 29 août 1949 et le , dont 124 à titre pacifiques - le nombre pour ces derniers variant selon les sources -. Ne sont pas inclus une centaine d'essais hydronucléaires, portant sur les matières fissiles avec des rendements (par conception) de moins d'un kilogramme[7].

Il y a lieu enfin d’indiquer que le nombre de charges et de dispositifs nucléaires est plus élevé que le nombre d’essais : 796 pour 559 essais militaires, 173 pour 156 tirs à usage pacifique. Cet écart n’est expliqué que d’une façon partielle par le tir de plusieurs charges simultanément ou par des expériences de sécurité. L’ouvrage Scope/59 (Nuclear Test Explosions) indique que les 254 charges tirées simultanément expliquent que le nombre de 969 essais nucléaires soit parfois cité. La puissance totale de l’ensemble des tirs (atmosphériques et souterrains) s’élève à 285,39 mégatonnes[8].

Le RDS-1 (réacteur spécial 1), du russe Реактивный двигатель специальный (Reaktivnyi Dvigatel Specialnyi) fut la première bombe A soviétique et la première arme nucléaire conçue hors des États-Unis. D'une puissance de 22 kilotonnes, elle fut mise au point par l'Institut panrusse de recherche scientifique en physique expérimentale et testée le sur le polygone nucléaire de Semipalatinsk, Kazakhstan.

Le RDS-37 (en russe : РДС-37) fut la première bombe H soviétique à étages. Elle fut testée le .

Réplique de la Tsar Bomba présentée dans le Musée de la bombe atomique à Sarov.

La Tsar Bomba (en russe : Царь-бомба, littéralement « Impératrice des Bombes ») fut l'arme la plus puissante jamais utilisée dans l'histoire de l'humanité. Cette bombe à hydrogène, développée par l’Union soviétique, fut larguée par un bombardier Tupolev Tu-95 Bear le au-dessus de l'archipel de Nouvelle-Zemble dans l'Arctique russe et dégagea une puissance d’environ 57 mégatonnes.

Déploiement[modifier | modifier le code]

Tableau de données relatives aux armes nucléaires et vecteurs détenues par les États-Unis et l'Union soviétique de 1945 à 1990 à la fin de l'année en cours. Ce tableau indique aussi les limites fixées par le traité SALT I.
Tracteur-érecteur-lanceur de RSD-10 Pioneer plus connu en Occident sous le nom de code OTAN SS-20.
Évolution de l'arsenal nucléaire entre 1949 et 2002.
Un Tupolev Tu-160 de l'aviation à long rayon d'action en 2011. Entré en service en 1987, il s'agit du dernier modèle de bombardier stratégique conçu par l'URSS.

Le gouvernement américain à la fin de la guerre froide pensait qu’il y avait en URSS 30 000 armes nucléaires et 500 à 600 tonnes d’uranium enrichi, alors qu’il y en avait respectivement 45 000 et 1 200 selon V. Mihailov, l’ancien ministre russe de l’énergie atomique[9].

La défense soviétique, pour se prémunir d'éventuelles offensives occidentales, mit également sur pied de très importants moyens de repérage et d'interception. Un vaste réseau de radars, dont le Pic-vert russe, et un important réseau de missiles sol-air qui pouvaient être équipés d'armes nucléaires furent déployés à partir des années 1950. Un dispositif nommé Perimeter permet de donner un ordre de tir automatiquement.

Armement tactique[modifier | modifier le code]

Lance-missile code OTAN SS-1c Scud-B. Testé à partir de 1954, des milliers de missiles tactiques Scud pouvant emporter l'arme nucléaire furent produits[10].

Missiles balistiques stratégiques[modifier | modifier le code]

Les Forces des missiles stratégiques détenaient la majorité de l'arsenal de l'armée soviétique, elles furent le principal pilier de la triade nucléaire soviétique et se développèrent rapidement. Elles surpassèrent à partir des années 1970 en nombre d'armes et de vecteurs la composante terrestre du Strategic Air Command des États-Unis avec 1 030 ICBM en 1974 et 1 398 ICBM au , emportant un total d'environ 4 500 ogives d'une puissance globale d'environ 4 100 mégatonnes réparties sur plus de 300 sites de lancement et 28 bases de missiles en Russie d'Europe, en Ukraine et le long du Transsibérien[11]. Ses effectifs en 1989 était de 300 000 hommes.

Malgré les traités de désarmement signés par Gorbatchev, elle comptait encore 1 054 missiles intercontinentaux et 4 278 têtes nucléaire en 1990[12].

La marine soviétique eut un maximum de 940 missiles mer-sol balistique stratégique embarqués à bord de 67 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins en 1984.

Carte des bases d'ICBM en URSS dans les années 1980.

Voici les forces nucléaires stratégiques des deux supergrands en 1990, les armes tactiques n'étant pas comptabilisées[13].

Date ICBM, SLBM et bombardiers lourds ICBM lourds Ogives (ICBM, SLBM et bombardiers lourds) Ogives (ICBM et SLBM) Ogives (ICBM sur lanceurs mobiles) Ogives (ICBM lourds) Puissance (ICBM et SLBM) (Mt)
Limites imposées par START-1
31 juillet 1991 1 600 154 6 000 4 900 1 100 1 540 3 600
Drapeau des États-Unis États-Unis
2 246 0 10 563 8 210 0 0 2 361,3
Drapeau de l'URSS Union soviétique
2 500 308 10 271 9 416 618 3 080 6 626,3

Fédération de Russie[modifier | modifier le code]

Le président russe Dimitri Medvedev devant le Iouri Dolgorouki, le 1er SNLE de la classe Boreï en essais en 2009.

Après l'effondrement de l'URSS, la Russie est restée la seule héritière de l'arsenal nucléaire soviétique. En 2010, elle est la première puissance en capacité disposant d'environ 2 600 armes stratégiques et de milliers d'armes tactiques[14], et de nombreuses structures de recherche, de développement et de production constituant l'industrie nucléaire russe.

L'Ukraine, ancienne république soviétique, possédait le troisième plus gros arsenal nucléaire au monde mais retourna de 1994 à 1996 ses 1 900 armes nucléaires stratégiques à la Russie pour qu'ils soient démantelés en application du Mémorandum de Budapest[15].

De même, le Kazakhstan possédait le quatrième plus gros arsenal nucléaire au monde, mais il choisit le désarmement nucléaire total en retournant toutes ses armes nucléaires à la Russie[16].

Stratégie[modifier | modifier le code]

Dans sa première doctrine militaire de 1993, la fédération de Russie s’est réservé, explicitement, le droit d’employer en premier l’arme nucléaire. La doctrine militaire stipulait cependant que tout emploi, même limité, des armes nucléaires pourrait provoquer une escalade et avoir des conséquences dévastatrices. Dans celle de 2000, cette mention est absente, et on y lit que les armes nucléaires sont utilisables dans le cadre d’un conflit majeur ainsi que dans le cadre d’une guerre régionale. De plus, dans la même période, le débat doctrinal a évolué vers la possibilité pour les forces russes d’effectuer des frappes nucléaires limitées en cas d’incapacité de ses forces conventionnelles à résister à l’adversaire dans un conflit classique. La frappe nucléaire limitée, ayant pour objectif d’infliger à l’attaquant un dommage soigneusement calculé, « calibré », doit permettre la désescalade d’un conflit conventionnel. Les scénarios des manœuvres militaires « Ouest-99 », qui ont eu lieu en juin 1999 juste après la guerre du Kosovo, constituèrent une illustration de cette approche : des bombardiers stratégiques russes y réalisaient des frappes limitées contre des cibles dans plusieurs pays de l’OTAN[17].

Lutte contre la prolifération[modifier | modifier le code]

Depuis la fin de la guerre froide, la sécurité de ces installations est devenue déficiente au point de présenter des risques de prolifération nucléaire.

Cela a incité les États-Unis à mettre en œuvre depuis 1991 un Cooperative Threat Reduction Program visant à réduire le stock de matières fissibles et à le sécuriser[18].

Déploiement[modifier | modifier le code]

TEL de missile balistique intercontinental Topol-M en 2010. Ce missile est entré en service en 2009.

Tableau récapitulatif de l'avancée du Mémorandum d'entente de START-1 en janvier 2008[19], janvier 2009[20] et juillet 2009[21].

Date ICBM, SLBM et bombardiers lourds ICBM lourds Ogives (ICBM, SLBM et bombardiers lourds) Ogives (ICBM et SLBM) Ogives (ICBM sur lanceurs mobiles) Ogives (ICBM lourds) Puissance (ICBM et SLBM) (Mt)
1er janvier 2008 848 104 4 147 3 515 207 1 040 2 373,5
1er janvier 2009 814 104 3 909 3 293 195 1 040 2 301,8
1er juillet 2009 809 104 3 897 3 289 191 1 040 2 297,0

Début 2011, le Bulletin of the Atomic Scientists estime que 295 ICBM sont déployés emportant 1 007 ogives, que la marine russe déploie 160 missiles mer-sol balistiques stratégiques emportant 576 ogives à bord de 10 sous-marins opérationnels, un onzième étant en essais, que 76 bombardiers pouvant emporter 844 ogives sont en service et plus de 2 080 armes tactiques - essentiellement des missiles surface-air - sont en réserve[22].

Début 2016, l'estimation est de 307 ICBM emportant 1 040 ogives, 176 missiles mer-sol balistiques stratégiques emportant 768 ogives à bort de 11 SNLE, 70 bombardiers pouvant emporter 798 ogives et 1 900 armes tactiques (environ 760 à bord de navires, environ 570 bombes pour avions, environ 485 missiles sol-air, environ 140 missiles tactiques sol-sol)[2].

La Russie va dépenser plus de 46 milliards de roubles (1,4 milliard de dollars) pour le renforcement et la maintenance de ses armes nucléaires au cours de la période 2014-2016, le pays prévoyant de mettre à niveau près de 85 % de ses armes nucléaires stratégiques d'ici 2020[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Les Armes nucléaires : mythes et réalités, Georges Le Guelte
  2. a et b Hans M. Kristensen, Robert S. Norris, « Russian nuclear forces, 2016 », sur Bulletin of the Atomic Scientists, (consulté le )
  3. « Les 7 puissances nucléaires dans le monde en 2021 », sur 7x7.press (consulté le )
  4. « Classement des États du monde par arsenal nucléaire », sur atlasocio.com (consulté le )
  5. « La Russie, une première puissance nucléaire mondiale imprévisible », sur geo.fr (consulté le )
  6. « Vladimir Poutine est à la tête de la première puissance nucléaire », sur 24heures.ch (consulté le )
  7. (en) Soviet Nuclear Test Summary, 7 octobre 1997, Soviet and Russian Nuclear Weapons and History
  8. Christian Bataille et Henri Revol, Rapport sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 et éléments de comparaison avec les essais des autres puissances nucléaires, Assemblée nationale, , 248 p., p. 155
  9. (en) S. Rosefielde, Back to the Future? Prospects for Russia’s Military Industrial Revival, Orbis, septembre 2001, p. 10.
  10. (en) R-11FM / SS-1b Scud
  11. David Maxwell Owens Miller (trad. de l'anglais), L'Équilibre militaire des superpuissances : la confrontation Est-Ouest, comparaison entre les armements de l'Alliance atlantique et ceux du Pacte de Varsovie [« Balance of military power »], Paris, Bordas, coll. « Grands conflits », , 207 p. (ISBN 978-2-04-012911-8)
  12. (en) « Russia: ICBM Tables »
  13. (en) « START au 1er septembre 1990 », fas.org
  14. (en) « Federation of American Scientists »
  15. (en) Estimated Russian (CIS) Nuclear Stockpile, septembre 1994
  16. « Phébé – Désarmement nucléaire : le pari gagné du Kazakhstan », sur lepoint.fr (consulté le )
  17. Isabelle Facon, « Le nucléaire dans la politique de défense russe », Les cahiers de Mars, no 203,‎ (lire en ligne)
  18. « L'ancien arsenal nucléaire soviétique: les mesures coopératives américano-russes », Le maintien de la paix, no 56,‎ (lire en ligne [PDF])
  19. START au 1er janvier 2008, cdi.org
  20. START au 1er janvier 2009, state.gov
  21. START au 1er juillet 2009, state.gov
  22. Hans M. Kristensen, Robert S. Norris, « Russian nuclear forces, 2011 », sur Bulletin of the Atomic Scientists, (consulté le )
  23. « Les forces de missiles stratégiques russes vont accroître leur nombre de missiles balistiques intercontinentaux », sur Xinhua, (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Christophe Romer, La guerre nucléaire de Staline à Khrouchtchev : essai sur la constitution d'une culture stratégique en URSS, 1945-1965, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Série Internationale » (no 38), , 408 p. (ISBN 978-2-85944-207-1, ISSN 0768-1984, présentation en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]