Antisystème — Wikipédia

La pyramide du système capitaliste, selon l'organisation syndicale Industrial Workers of the World, 1911

Antisystème est un adjectif qualifiant des personnes, des groupes ou des partis politiques portant un discours critiquant les institutions politiques dominantes.

Dans son sens implicite, le terme antisystème s'oppose au système, le système en question pouvant notamment être le système politique ; l'organisation sociale ; le système de santé ; le système financier ; le système économique ; le système capitaliste ou encore le système familial. Dans tous les cas, il s'agit d'un système complexe.

La notion d'antisystème reste vague, contrairement à des notions plus spécifiques comme la séparation des pouvoirs ; le contre-pouvoir, l'anarchisme, l'altermondialisme, ou l'anticapitalisme.

Historique[modifier | modifier le code]

Le terme est apparu en 1717 quand les quatre frères Pâris de Grenoble tentèrent de renverser le financier Law (Jean de Fauriston) et son Système, (le Système de Law), sous l'influence des parlementaires[1] et d'anglo-hollandais[2]. L'antisystème prit fin le [3]. D'après le dictionnaire Littré, l'antisystème est un système financier opposé au système de financier de Law[4], cependant un avis publié par la Société française d'étude du XVIIIe siècle suggère qu'il ne faut pas opposer le système à l'antisystème[5].

D'après l'historien Nicolas Lebourg, « la dimension « antisystème » tend à être le plus petit commun dénominateur idéologique de la mouvance d'extrême droite. Inspiré de la dénonciation du Systemzeit par les nationalistes allemands durant les années 1920, qui faisaient de la République de Weimar un tout aussi homogène que malfaisant, ce concept pénètre les milieux néofascistes français à partir de 1951. En 1954, il est mis en avant pour fonder le Rassemblement national, qui relie une vingtaine de groupuscules »[6].

En 1960, Jean Maze donne à l'un de ses livres le titre anti-système[7] ; il y parle du système, alors que le pays se trouve entre le changement constitutionnel de 1958 et l'indépendance de l'Algérie en 1962.

En 1973, le PCF utilise le terme antisystème avec une acception politique[8].

Giovanni Sartori a défini parti anti-système en 1976 comme un parti qui « mine la légitimité du régime contre lequel il se dresse » en proposant dans leur programme une alternative crédible, suscitant un appétit de changement chez les électeurs et produisant des conflits entre les partis conventionnels[9].

En 2016, Donald Trump accède à la présidence des États-Unis, après avoir martelé durant sa campagne qu'il était l'ennemi de l'establishment (les partis politiques, la presse, etc.)[10] et avant finalement de revenir sur plusieurs de ses critiques[11].

Deux catégories de formations politiques ont pu être définies : celles, légalistes, qui défendent leur projet dans l'ordre politique établi sans le remettre en question ; et celles, séditieuses, se tenant à la marge du jeu politique traditionnel et entendant heurter de front le dispositif institué[12].

Aspects politiques[modifier | modifier le code]

Au sens commun, la notion d'antisystème regroupe différentes formes de populisme: nationalisme, antiparlementarisme, dénonciation des « élites »[13].

En Europe, des partis qualifiés ou se qualifiant d'« anti-système » sont souvent situés à l'extrême gauche ou à l'extrême droite du paysage politique[14].

En 2017, une époque où la proximité de la « classe politique » et du monde des affaires est mal vue, l'étiquette « antisystème » est revendiquée par les principaux candidats à l'élection présidentielle française. Cette étiquette peut même être revendiquée par ceux-là mêmes qui incarnent le système, comme la présidente du Front national Marine Le Pen, l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron et le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon[15]. L'ancien premier ministre François Fillon dénonce également un système qui l'a discrédité dans l'affaire dite de Pénélope.

Plusieurs raisons se situant dans les perceptions des électeurs ont été évoquées pour expliquer la part croissante du vote « anti-système », également dénommé vote contestataire :

  • le tarissement de l'offre électorale (due à la coopération croissante de partis majoritaires dans le cadre de coalitions, comme en Autriche, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, ou à l'enchaînement d'alternances dont les différences de résultats ne sont pas perçues par une partie de l'opinion) ;
  • des repères identitaires de plus en plus flous (en raison du déplacement vers le centre des partis de gouvernement, et notamment l'abandon progressif de partis de gauche traditionnels dans les domaines économiques)[16].

Diverses formes d'idées antisystème existent[17],[18] :

Pour l'Institut français d'histoire sociale, la social-démocratie a abandonné l'antisystème à la sortie de la seconde guerre mondiale, pour se convertir au capitalisme et à l'économie de marché[19].

Le leader du parti politique antisioniste, Dieudonné se revendique également de l'antisystème, avec lequel il a développé un système de buzz basé sur la gestuelle de la quenelle s'exprimant au travers d'un bras d'honneur réalisé en conservant les bras le long du corps. Cet antisystème se rapproche de l'antisionisme, de l'antisémitisme et de l'apologie du terrorisme[20]. Mais derrière cet amalgame entre antisystème et antisémitisme, certains voient une différence entre le simple antisystème et l'antisémitisme [21]. Pour d'autres, cet antisystème n'est que le camouflage du racisme antisémite de Dieudonné[22]. Pour les communistes, l'antisystème de Dieudonné est au contraire un système visant à détourner la colère des classes populaires de la lutte anticapitaliste[23],[24].

En Europe[modifier | modifier le code]

En Europe, dans les années 1985, l’expression « mouvement antisystème » était utilisé par les sociologues Immanuel Wallerstein et Giovanni Arrighi, pour désigner des mouvements hostiles au capitalisme[25]. Ce mouvement antisystème s'est transformé entre 2000 et 2010 pour s'opposer au néolibéralisme constitué par la déréglementation des flux financiers, la privatisation des services publics et le creusement des inégalités sociales en Europe et aux États-Unis depuis les années 1980[25].

Certains partis politiques de droite se classent également dans une mouvance anti-système : Rassemblement national, Parti pour la liberté (PVV), Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), Démocrates de Suède, Parti populaire danois (DF), Vrais Finlandais, Alternative pour l'Allemagne (AfD) et UKIP[25].

En Italie le parti M5S est également considéré comme un parti antisystème[25].

Aspects philosophiques[modifier | modifier le code]

Le discours antisystème est une manière de gagner en notoriété. Certaines personnes en bonne position dans le système économique — comme Donald Trump — se font les chantres de l'antisystème et fondent leur discours sur la notion de «système truqué». La notion d'antisystème fait naître des paradoxes de par le fait même que le caractère antisystème, naît, incarne ou fait naître un nouveau système. Ainsi, l'antisystème est un système[26].

D'un point de vue philosophique, un système philosophique est associé à Hegel. Ce système prévoit le ressentiment et la colère — c'est-à-dire l'antisystème — ainsi, lorsque le ressentiment et la colère deviennent visibles, elles confirment le système qui l'avait prévu. Ainsi, la contestation du système est prévue par le système lui-même[26].

D'autres philosophes après Hegel, comme Kierkegaard ou Sartre ou Adorno peuvent être considérés comme antisystème car ils ne se fondent pas sur ce système de Hegel[26].

Lorsque la philosophie antisystème est transposée sur les questions politiques elle est utilisée pour critiquer l’État et le marché. Dans l'idée, l’antisystème de droite critique l’État alors que l’antisystème de gauche critique le marché, mais les nuances sont multiples[26].

Ceux qui souffrent du système lui sont liés par un lien de dépendance: de ce fait, seules deux possibilités existent: conserver le système et le subir, ou dénoncer le système et en subir les conséquences[26].

En pratique, des aléas et des facteurs humains sont de nature à remettre en question le système en compromettant les logiques de la domination du système[26].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Gazette littéraire : revue française et étrangère de la littérature, des sciences, des beaux-arts, etc. lire en ligne sur Gallica.
  2. Jules (1798-1874) Michelet, Histoire de France. Tome 17 / par M. Michelet,... (lire en ligne sur Gallica).
  3. Histoire de la Banque de France et des principales institutions françaises de crédit depuis 1716 / par Alphonse Courtois fils (1825-1899) lire en ligne sur Gallica.
  4. Dictionnaire de la langue française : supplément... / par Émile Littré ; par Marcel Devic lire en ligne sur Gallica.
  5. Dix-Huitième Siècle : revue annuelle / publiée par la Société française d'étude du XVIIIe siècle lire en ligne sur Gallica.
  6. Nicolas Lebourg, « Le Front national et la galaxie des extrêmes droites radicales », dans Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer, Les Faux-semblants du Front national : sociologie d'un parti politique, Presses de Sciences Po, , p. 121-122.
  7. Maxime (1873-1957) Auteur du texte Leroy et Institut d'histoire sociale (Nanterre) Auteur du texte, « %5B%5BGallica%5D%5D Le Contrat social : revue historique et critique des faits et des idées », sur Gallica, (consulté le ).
  8. Études : revue fondée en 1856 par des Pères de la Compagnie de Jésus lire en ligne sur Gallica.
  9. Roger Antoine, « Les partis anti-système dans la Roumanie post-communiste », Revue d'études comparatives Est-Ouest, vol. 31, no 2,‎ , p. 101-136 (DOI 10.3406/receo.2000.3027, lire en ligne, consulté le ).
  10. Trump face à son public qui veut renverser « l’establishment », Le Monde, 18 février 2016.
  11. Une semaine après son élection, Trump fait déjà marche arrière sur des dossiers-clés, Le Monde, 15 novembre 2016.
  12. (en) Eva Kolinski et Gordon Smith, Opposition in Western Europe : Party and Protest: Two Faces of Opposition in Western Europe, Londres, Croom Helm, , pp. 49-72.
  13. « 1179 », Courrier international,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Neumayer Laure, « Opinions publiques et partis politiques face à l'intégration européenne en Hongrie, Pologne et République tchèque », Revue d’études comparatives Est-Ouest Dossier: "retours sur le passé", vol. 30, no 1,‎ , p. 139-164 (DOI 10.3406/receo.1999.2958, lire en ligne, consulté le ).
  15. Olivier Faye, Cédric Pietralunga, Raphaëlle Besse Desmoulières et Matthieu Goar, « En 2017, l’« antisystème » s’impose comme une stratégie de conquête du pouvoir », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  16. « La flambée du vote « anti-système » Stratégies et perspectives d'évolution des droites extrêmes », cnrs.fr (consulté le ).
  17. « Être "anti-système", ça veut dire quoi ? - Société - La Vie », sur www.lavie.fr (consulté le ).
  18. Olivier Faye, Alexandre Lemarié, Raphaëlle Besse Desmoulières, Cédric Pietralunga et Matthieu Goar, « Présidentielle : comment les candidats se sont convertis à la critique du « système » », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  19. [Le Mouvement social : bulletin trimestriel de l'Institut français d'histoire sociale sur Gallica.
  20. « Dieudonné à Téhéran pour remettre une Quenelle d’or à « l’antisioniste » Ahmadinejad », sur Nouvelles d'Iran (consulté le ).
  21. La quenelle antisémite ou anti-système? Les chiffres ne mentent pas https://www.huffingtonpost.fr/alberic-guigou/quenelle-antisemite_b_4519651.html.
  22. Se prétendant antisioniste, de quoi Dieudonné est-il vraiment le nom ? http://blog.francetvinfo.fr/scenes-politiques/2013/12/30/se-pretendant-antisioniste-de-quoi-dieudonne-est-il-vraiment-le-nom.html.
  23. Dieudonné anti-système ? Quelle plaisanterie ! http://www.jeunes-communistes.org/2014/01/16-dieudonn%C3%A9-anti-syst%C3%A8me-quelle-plaisanterie-10431 .
  24. Dieudonné : vous avez dit anti-système ? http://internationalistes.blogspot.fr/2014/09/dieudonne-vous-avez-dit-anti-systeme.html.
  25. a b c et d Perry Anderson, « Bouillonnement antisystème en Europe et aux États-Unis », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. a b c d e et f Michaël Foessel, « Trump : comment être milliardaire et antisystème ? », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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