Amazap II d'Ibérie — Wikipédia

Amazap II d'Ibérie
Titre
18e roi d'Ibérie
182/185186/189
Prédécesseur Pharasman III
Successeur Rev Ier
Biographie
Dynastie Artaxiades d'Ibérie
Date de décès 186/189
Lieu de décès Goutis-Khevi, Ibérie
Père Pharasman III d'Ibérie
Conjoint Drakontis d'Arménie
Liste des rois d'Ibérie

Amazap II d'Ibérie, aussi nommé Amazasp II[Notes 1] (en géorgien : ამაზასპ II ; mort en 186/189), est le dix-huitième souverain du royaume d'Ibérie, régnant d'après les sources de 182/185 à 186/189. Roi dont les origines sont discutées, il doit durant son règne affronter les envahisseurs alains tout en s'alignant sur la Parthie, abandonnant ainsi la politique pro-romaine de ses prédécesseurs. Ce changement de politique cause son renversement par les forces réactionnaires et pro-romaines d'Ibérie après quatre années de règne. Amazap II est le dernier roi d'Ibérie de la dynastie artaxiade.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines et avènement[modifier | modifier le code]

La version de Léonti Mroveli sur les origines d'Amazap II est la plus communément admise par la communauté historiographique. D'après cet évêque du XIe siècle, le futur roi est le fils de Pharasman III, qui régnait sur le royaume d'Ibérie depuis 135[1]. Plusieurs kartvelologues, tels que Cyrille Toumanoff[2] et Marie-Félicité Brosset[3], suivent cette théorie, mais d'autres ne s'accordent guère avec celle-ci. Ainsi, Guiorgui Melikichvili mentionne un roi (dont le nom est inconnu[4]) entre Pharasman III et Amazap II, qui pourrait être le père de ce dernier[5]. De plus, la stèle funéraire découverte dans les années 1940[6] aux environs de Mtskheta, le bilinge d'Armaz (IIe siècle[7]), énonce :

« Je suis Serapita, fils de Zevakh le jeune, pitiakhch du roi Pharasman, et épouse du victorieux Iodmanagan, vainqueur de maintes conquêtes, “Maître de la cour” de Khseparnoug, le grand roi des Ibères et fils d'Agrippa, maître de la cour du roi Pharasman[8] [...] »

Ruines du palais royal d'Armaz

Nodar Assatiani identifie ce Pharasman au roi Pharasman II Kouel[9] (r. -[2]). Mais ses successeurs, d'après le bilingue, ne seraient pas les mêmes que ceux cités par Mroveli : Khseparnoug ou Xēpharnugos (peut-être identifiable à Pharasman II selon Stephen H. Rapp[10]) est l'équivalent du Rhadamiste des Chroniques géorgiennes et Iodmanagan serait Pharasman III[Notes 2], le fils et successeur de Rhadamiste[9].

Cyrille Toumanoff identifie Amazap comme un descendant, par son père Pharasman III, d'une longue lignée de rois appartenant à une branche de la dynastie artaxiade d'Arménie[Notes 3]. De son côté, Mroveli, suivi par Brosset, le considère comme arsacide et descendant des anciens grand-rois de Parthie[Notes 4]. Enfin, la stèle d'Armaz donne pour père à Iodmanagan un certain Publius Agrippa, qui pourrait être, d'après son nom, un Romain ou plus vraisemblablement un Ibère romanisé[7].

La date même de l'avènement d'Amazap II au trône d'Ibérie est sujette à question. L'ancienne tradition de Marie-Félicité Brosset[3], reprise par Guiorgui Melikichvili[5], donne l'an 182. Toumanoff avance cette date de trois ans (185[11]), tandis que William E. D. Allen mentionne l'année 164[12], mais les trois s'accordent sur le fait qu'il a succédé à son père, Pharasman III.

Guerre contre les Alains[modifier | modifier le code]

Peu après le début de son règne, les Alains (nommés Ossètes par la Chronique) s'emparent de la région de Dvaleti[Notes 5], avant de franchir les montagnes du Grand Caucase pour s'établir dans la vallée du Liakhvi[3]. Amazap II n'apprend la présence des Nord-Caucasiens dans son royaume que tardivement et profite du court arrêt des Alains dans la vallée pour réunir une armée[3]. Toutefois, seuls ses gouverneurs de Kakhétie, du Khounan et de Samchvilde[Notes 6] acceptent de confier leurs troupes au spaspet (gouverneur militaire du Karthli). Les Ossètes reprennent leur chemin vers Mtskheta, la capitale de l'Ibérie, après une semaine de repos, et rencontrent les forces armées ibères, composées de 30 000 soldats et 10 000 cavaliers, à Sapourtzle, dans le Moukhran[3]. Amazap va combattre au milieu de ses troupes avec un courage rapporté par Léonti Mroveli :

« Cependant, les combats de braves ayant commencé, Amazasp, l'arc à la main, se mit à décocher des flèches, avec une ardeur égale à la force de son bras. Il dirigeait ses coups à une distance prodigieuse, au milieu des Osses, l'éloignement empêchant de penser ni de voir qu'il eut un arc. Nulle armure, si forte qu'elle fût, ne résistait à ses flèches[3]. »


La bataille de Sapourtzle se solde par une victoire des Ibères et d'importantes pertes alanes (dont « quinze géants », tués par Amazap en personne). Le roi et ses troupes retournent alors à Mtskheta où, durant la nuit, ils reçoivent des renforts venant de ses eristavi. Plus tard (le jour suivant d'après Mroveli), les Géorgiens et les Ossètes s'affrontent une nouvelle fois dans un combat non loin de la capitale, durant lequel le général ossète Khouankhoua est tué par le roi dans un combat singulier[13].

Le lendemain, grâce à de nouveaux renforts de cavalerie, Amazap II parvient à vaincre définitivement l'armée des Alains en tuant leur roi. Les envahisseurs se réfugient au-delà du Grand Caucase mais Amazap les poursuit pendant un an avant de les vaincre et d'annexer l'Alanie[13].

Renversement[modifier | modifier le code]

À la suite de ces victoires, Amazap II devient odieux et se comporte en tyran, en faisant tuer plusieurs nobles hostiles à son pouvoir[13]. Brisant l'alliance que ses prédécesseurs avaient conclue avec l'Arménie et l'Empire romain[Notes 7], il se tourne vers la Parthie, ce qui fâche la haute noblesse du pays. Ainsi, les eristavis (gouverneurs) des provinces occidentales de l'Ibérie (les deux gouverneurs de Colchide et ceux d'Odzrkhe, de Klardjeti et de Tsounda) se révoltent contre leur roi et s'allient à Vologèse II d'Arménie[Notes 8], à l'Empire romain[Notes 9] et aux Alains désireux de vengeance[13].

Une importante invasion de l'Ibérie se déroule alors. D'un côté, les troupes arméniennes, renforcées par des auxiliaires romains, interviennent par le sud. Au nord, les Alains s'unissent avec les Mingréliens et se mettent en route vers Mtskheta à partir de Tavcveri[14]. Amazap fait appel au grand-roi des Parthes[Notes 10] Vologèse IV qui lui envoie des troupes en renfort. Les Arméniens, les Alains-Mingréliens et les Géorgiens révoltés se rencontrent dans la vallée du Pinezaouri, à Goutis-Khevi. Amazap II y rencontre ces troupes et une bataille est engagée. La tradition dit que le roi d'Ibérie combat alors avec beaucoup de courage mais son armée est finalement vaincue et Amazap II est tué[15].

Marie-Félicité Brosset place cet évènement en 186. Cyrille Toumanoff, quant à lui, cite l'année 189 pour le renversement d'Amazap II[11] et William E. D. Allen parle de la fin de son règne en 182[12]. Après cette défaite, la dynastie des Artaxiades d'Ibérie est déposée et le roi d'Arménie place, « à la demande des nobles ibères[13] », son propre fils (qui était aussi le fils de la sœur du défunt roi d'Ibérie), Rev, sur le trône.

Famille[modifier | modifier le code]

Léonti Mroveli n'accorde pas à Amazap II d'Ibérie de descendance. Toutefois, Cyrille Toumanoff et plus récemment, le généalogiste Christian Settipani ont émis l'hypothèse que le roi était l'ancêtre réel ou supposé de son homonyme Amazap III. Ce dernier est, vers 265, un prétendant au trône face à Mihrdat II, et un vassal de Shapur Ier. Il est inclus dans la liste des rois vassaux en tant que « créature de Shapur », dans la grande inscription de Naqsh-e Rostam[16].

De plus, une découverte épigraphique datant du IIe siècle évoque une certaine reine Drakontis, fille du roi Vologaises d'Arménie, qui aurait épousé le roi d'Ibérie Amazaspos[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Christian Settipani parle de ce roi sous le nom d'Amazaspos Ier. D'après lui, il aurait régné vers le milieu du IIe siècle.
  2. Seul Nodar Assatiani considère Iodmanagan comme un roi d'Ibérie. Les autres spécialistes identifient en ce personnage du bilingue d'Armaz un simple « Maître de cour ». Le texte original de la stèle est difficilement compréhensible, notamment en raison des langues originales (l'araméen et le grec ancien) dont les textes diffèrent légèrement.
  3. D'après la théorie de Cyrille Toumanoff, Amazap II descendait du roi Artaxias Ier d'Ibérie (nommé Archac par les Chroniques géorgiennes). Celui-ci aurait été le fils du roi d'Arménie Artavazde Ier.
  4. Contrairement à Toumanoff, Mroveli affirme que le roi Archac (l'Artaxias Ier de Toumanoff) était le fils d'un grand-roi parthe de la dynastie des Arsacides.
  5. La Dvaleti correspond au sud du district d'Alaguirski, dans la république russe d'Ossétie-du-Nord-Alanie. Cette région, peuplée de Dvals et de Khevs (tribus issues du mélange entre les Ossètes et les Géorgiens), fut détachée de la Géorgie et incorporée à la Russie en 1931.
  6. Ce sont les trois eristavis de Géorgie orientale.
  7. Une telle alliance avait été négociée entre le roi Pharasman II et l'empereur Antonin le Pieux.
  8. Ce roi Vologèse II d'Arménie pose problème par rapport au récit de Léonti Mroveli. En effet, ce dernier prétend que l'Arménie et la Parthie étaient en conflit dans les années 180. Toutefois, Cyrille Toumanoff émet l'hypothèse que Vologèse II était en fait le fils du grand-roi Vologèse IV et le futur Vologèse V.
  9. La Chronique parle d'auxiliaires grecs qui auraient aidé les Arméniens dans leur invasion de l'Ibérie. Il serait plus logique de considérer ces auxiliaires « grecs » comme des soldats romains.
  10. Les Parthes sont anachroniquement nommés Perses par Léonti Mroveli.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (ka) Simon Kaoukhtchichvili, Critiques des chroniques géorgiennes, p. 54
  2. a et b (en) Cyrille Toumanoff, Chronology of the Early Kings of Iberia, 1969, p. 16
  3. a b c d e et f Marie-Félicité Brosset, Histoire de la Géorgie depuis l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle, 1849, p. 75
  4. (en) Stephen H. Rapp, Studies in medieval Georgian Historiography: Early Texts and Eurasian Contexts, 2003, p. 298
  5. a et b (ka)Guiorgui Melikichvili, Sur l'histoire de l'antique Géorgie, 1959, p. 27
  6. (en) Bruce M. Metzger, « A Greek and Aramaic Inscription Discovered at Armazi in Georgia », in Journal of Near Eastern Studies, p. 18
  7. a et b (en) Giorgi Leon Kavtaradze, Caucasica II - The Georgian Chronicles and the Raison d'Être of the Iberian Kingdom, Tbilissi
  8. (de) « The Bilingual Inscription from Armazi (1. century A.D.) », sur Fundamentals of an Electronic Documentation of Caucasian Languages and Cultures (consulté le )
  9. a et b (en)Nodar Assatiani et Otar Djanelidze, History of Georgia, Tbilissi, 2009, p. 30
  10. (en) Stephen H. Rapp, op. cit., p. 291
  11. a et b (en)Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 17
  12. a et b (en) William E.D. Allen, A History of the Georgian People, Routledge & Kegan Paul Ltd., Londres, 1932, p. 376
  13. a b c d et e Marie-Félicité Brosset, op. cit., p. 76
  14. Marie-Félicité Brosset, op. cit., p. 77
  15. Stephen H. Rapp, op. cit., p. 299
  16. Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, Paris, de Boccard, , 634 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-7018-0226-8), p. 107
  17. D.Braund (2002) cité par Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, Paris, de Boccard, , 634 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-7018-0226-8), p. 397.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]