Allemands du Caucase — Wikipédia

Des Allemands d'Azerbaïdjan vivant à Helenendorf (aujourd'hui, Göygöl, en Azerbaïdjan), au XIXe siècle.

Les Allemands du Caucase (en allemand : Kaukasiendeutsche ; en azéri : Qafqaz almanları ; en géorgien : კავკასიელი გერმანელები, k’avk’asieli germanelebi ; en russe : кавказские немцы, kavkázskiïe némtsy ; en turc : Kafkasya Almanları) concernent les populations de la diaspora allemande établie dans la région du Caucase après son incorporation dans l'Empire russe à partir du XIXe siècle.

Distribution[modifier | modifier le code]

Une maison de style allemand, datant du XIXe siècle, à Elisabethtal (aujourd'hui, Assouréti, en Géorgie).

Parmi eux, y vivent ou y ont vécu, principalement :

Les Allemands s'installent aussi aux limites géographiques du Caucase, comme dans la région de Guelendjik, parfois en lieu et place des populations circassiennes, comme en témoigne en 1899 l'anthropologue Joseph de Baye[3].

Lors de son premier voyage dans la partie méridionale de l'Empire russe en 1817 et 1818, Jean-François Gamba[4] distingue dans son récit, lors de son séjour dans le Caucase, les colonies allemandes d'une part et celles mennonites d'autre part[5].

Selon le pasteur Christoph Lawrence Zugger[6], si la majorité des Allemands du Caucase est protestante dans les années 1930, il y a aussi des catholiques, surtout dans les villes du Caucase du Nord, avec un évêché siégeant à Piatigorsk à partir de 1926[7].

Histoire[modifier | modifier le code]

Empire russe[modifier | modifier le code]

Vue de l'intérieur de l'église luthérienne allemande de Helenendorf.
Récolte du raisin par des colons allemands à Helenendorf, au début du XXe siècle.

Selon Irina Mukhina, les Allemands s'installent dans des régions du Caucase du Nord où s'établissent des missionnaires écossais entre 1809 et 1826. Contrairement aux colonies allemandes de Russie, de nouveaux colons s'y établissent, conservant leurs langue, identité, traditions, liens avec leur pays d'origine, et même leur nationalité d'origine ; en revanche, leur dispersion géographique contribue au fait que ces Allemands sont plus intégrés avec les populations environnantes. Ces colonies sont marquées, au fur et à mesure de leur développement, par une diversité religieuse (adventistes du septième jour majoritairement, luthériens, adventistes, mennonites dits des Amis de Jérusalem, Stundistes déportés d'Ukraine dans les années 1830 et 1840)[2].

Jusqu'en 1848, chaque colonie est nommée individuellement ; elles deviennent ensuite Colonies allemandes du Caucase[8]. Les colonies allemandes bénéficient d'une division spéciale au sein de l'administration régionale du Caucase russe[9].

Dans son récit de 1841, le comte Louis Constant Alexandre de Suzannet juge les terres exploitées par les colons allemands mal développées[10] :

« Les Allemands se bornent à cultiver les terres qui leur ont été abandonnées sans chercher à mettre en valeur les terrains fertiles qui les environnent. »

Le développement des exploitations agricoles allemandes et leur prospérité sont parfois mal acceptés par les populations locales qui travaillent pour elles comme journaliers[11].

Une caricature du journal satirique arménien Khatabala (en) (1907, n° 43/71) sur la perception des colons allemands avec le titre : « Nous, les Arméniens locaux et les colons Allemands »

Une période de restrictions démarre à la fin du XIXe siècle à l'égard des Allemands[11]. À partir de 1891 commence un processus de russification des établissements scolaires. Durant la Première Guerre mondiale, la répression augmente avec une loi de 1914 qui déclare les Allemands comme membres d'une nation ennemie, et l'interdiction de la pratique publique de la langue allemande (lois du 2 novembre et ). Le gouvernement impérial envoie les Allemands sur le front caucasien contre l'Empire ottoman (allié de l'Empire allemand) ; il prévoit également la déportation vers la Sibérie des Allemands (ainsi que la confiscation de leurs biens) se trouvant dans une zone de 100 verstes (soit 106,68 km) le long des frontières de l'empire (ce qui inclut l'ensemble de la Transcaucasie), mais il ne peut mettre son projet que partiellement à exécution du fait de la révolution russe en 1917[12].

Période soviétique[modifier | modifier le code]

Allemands au Caucase en 1914

Au début des années 1920, on recense 200 établissements dans le Caucase du Nord, répartis en cinq colonies[2].

En Géorgie et en Azerbaïdjan, après la création de l'Union soviétique, le pouvoir rétablit l'usage de la langue allemande et organise les communautés en raions autonomes (en les rebaptisant de noms communistes[13]) ou en soviets de village (là où leur nombre n'est pas suffisant)[14],[11].

Le , lors de la Grande Guerre patriotique, le dirigeant soviétique Joseph Staline fait adopter un décret organisant la déportation des Allemands de la Volga ; il concerna en pratique tous les Allemands soviétiques, excluant les femmes allemandes mariées à un homme d'une autre communauté[15], et incluant toute personne portant un nom à consonance allemande[16]. Ainsi, selon l'ordre no 744 du Comité d'État à la Défense du , environ 50.000 Allemands du Caucase sont déportés entre le 15 et le 30 octobre vers le Kazakhstan[17],[15],[11].

Les Allemands déportés et restés en Asie centrale deviennent des Allemands du Kazakhstan et Kirghizistan.

Église luthérienne Pierre et Paul à Tbilissi, au début du XXe siècle, dans le quartier allemand de Neutiflis, et détruite en 1940.

Vie sociale[modifier | modifier le code]

Population à l'origine rurale lors de son immigration, le recensement soviétique de 1926[18] montre que les Allemands du Caucase sont principalement des urbains, puisque 69,19 % d'entre eux vivent dans des villes et agglomérations.

Logo actuel du Kaukasische Post.

Un journal en langue allemande, le Kaukasische Post (de) (en allemand : Courrier caucasien), est fondé en 1906 et destiné aux Allemands de l'ensemble du Caucase. Sa parution est interrompue à deux reprises, d'abord durant la Première Guerre mondiale, pour cause de vues nationalistes[19], puis à partir de 1922 avec la fin du processus d'annexion du Caucase par la Russie soviétique, avant de reprendre à partir de 1994 en Géorgie pour la Transcaucasie[20].

Démographie[modifier | modifier le code]

Le recensement de l'Empire russe de 1897[21] compte 56 729 Allemands dans les 14 entités formant la région du Caucase (Ciscaucasie, Transcaucasie), soit 3,17 % du 1,79 million d'Allemands de l'Empire russe, et 0,61 % des 9,29 millions d'habitants de la région. Les hommes constituaient 51,12 % de l'effectif, les femmes 48,87 %.

Le recensement soviétique de 1926[18] (que l'historien Henry Bogdan qualifie d'« incomplet mais utilisable »[22]) indique l'existence de 25 327 Allemands en République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, soit 2,04 % du 1,29 million d'Allemands d'Union soviétique et 0,43 % des 5,86 millions d'habitants de la république. Les hommes constituaient 46,11 % de l'effectif, les femmes 53,89 %. Le recensement de 1926 diffère de celui de 1897 : le sud-ouest de la Transcaucasie a été cédé au gouvernement turc incarné par Mustafa Kemal Atatürk[23] en 1921 par le traité de Kars[24] ; le recensement a lieu par république, or la Ciscaucasie est incluse dans la République socialiste fédérative soviétique de Russie.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Center for Volga German Studies - Caucasian Line ; consulté le 24 janvier 2016.
  2. a b et c (en) Irina Mukhina, The Germans of the Soviet Union, Routledge, 2011.
  3. Joseph de Baye, « Dolmens de la région nord du Caucase », in Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, IV° Série. Tome 10, 1899. p. 153.
  4. Il fut consul du Roi résidant en Géorgie, en 1819.
  5. Jean-François Gamba, « Voyage dans la Russie méridionale et particulièrement dans les provinces situées au-delà du Caucase , fait depuis 1820 jusqu'en 1824, par le chevalier Gamba », C.-J. Trouvé (Paris), 1826, IJ (Avant-propos).
  6. (en) Christoph Lawrence Zugger, The Forgotten: Catholics of the Soviet Empire from Lenin through Stalin, Syracuse University Press, 2001, p. 251.
  7. Parmi ces villes, Christoph Lawrence Zugger cite Grozny et Vladikavkaz, ainsi que Krasnodar qui se trouve au-delà du Caucase.
  8. (en) Georgian Genealogy - Germans ; consulté le 15 janvier 2016.
  9. Ed. Dulaurier, Revue des Deux Mondes T.27 1860 (lire sur Wikisource).
  10. Comte de Suzannet, Revue des Deux Mondes4e série, tome 26, 1841 (lire sur Wikisource).
  11. a b c et d (fr) Roger Comtet, « Les Allemands de Russie à la croisée des chemins », Revue Russe, no 3, 1992. p. 5-30.
  12. Ce sont surtout les Allemands vivant dans la partie occidentale de l'Empire russe qui furent touchés par ces mesures.
  13. Ainsi, Katharienenfeld prend le nom de Luxemburg, en référence à la révolutionnaire de nationale allemande Rosa Luxemburg.
  14. Conseil de l'Europe, Rapport sur la situation de la minorité ethnique allemande dans l'ex-Union soviétique (Rapporteur : M. Schreiner), Doc. 7172, 14 octobre 1994 ; consulté le 6 mars 2016.
  15. a et b (fr) Bakyt Alicheva-Himy, Les Allemands des steppes : histoire d'une minorité de l'Empire russe à la CEI, Peter Lang, Collection Contacts, 2005, p. 125-134.
  16. Alexandre Soljenitsyne, L'Archipel du Goulag, Tome 3, Points, 1974, p. 314.
  17. (de) Goethe Institut - Kooperativen und Kolchosen, consulté le 15 janvier 2016.
  18. a et b (ru) Demoscope, recensement soviétique de 1926 ; consulté le 8 mars 2016.
  19. (en) Krista O'Donnell, Renate Bridenthal, Nancy Reagin, The Heimat Abroad. The Boundaries of Germanness, University of Michigan Press, 2005, p. 191.
  20. (de) « L'histoire du Kaukasische Post », Kaukasische Post (en ligne), consulté le 6 mars 2016.
  21. (ru) Demoscope, recensement russe de 1897.
  22. (fr) Henry Bogdan, Histoire des peuples de l'ex-URSS, du IXe siècle à nos jours, Perrin, 1993, p. 295 ; (ISBN 9782012787063 et 9782262009403).
  23. Il s'agit du « gouvernement provisoire turc », en lutte avec le gouvernement de l'Empire ottoman.
  24. Il s'agit de l'oblast de Kars (à l'exception de la région d'Alexandropol), de la majeure partie de l'oblast de Batoum (sud de l'oblast), et d'une petite partie du gouvernement d'Erevan (région d'Iğdır.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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