Aldo Moro — Wikipédia

Aldo Moro
Illustration.
Fonctions
Président du conseil national de
la Démocratie chrétienne

(1 an, 6 mois et 28 jours)
Prédécesseur Amintore Fanfani
Successeur Flaminio Piccoli
Président du Conseil des ministres d'Italie

(1 an, 8 mois et 6 jours)
Président Giovanni Leone
Gouvernement Moro IV et V
Législature VIe
Coalition DC-PRI (1974-1976)
DC (1976)
Prédécesseur Mariano Rumor
Successeur Giulio Andreotti

(4 ans, 6 mois et 20 jours)
Président Antonio Segni
Cesare Merzagora (intérim)
Giuseppe Saragat
Gouvernement Moro I, II et III
Législature IVe
Coalition DC-PSI-PSDI-PRI
Prédécesseur Giovanni Leone
Successeur Giovanni Leone
Ministre italien des Affaires étrangères

(1 an, 4 mois et 16 jours)
Président du Conseil Mariano Rumor
Gouvernement Rumor IV et V
Prédécesseur Giuseppe Medici
Successeur Mariano Rumor

(2 ans, 11 mois et 21 jours)
Président du Conseil Mariano Rumor
Emilio Colombo
Giulio Andreotti
Gouvernement Rumor II et III
Colombo
Andreotti I
Prédécesseur Pietro Nenni
Successeur Giuseppe Medici
Secrétaire politique de la Démocratie chrétienne

(4 ans, 8 mois et 13 jours)
Président Adone Zoli
Attilio Piccioni
Prédécesseur Amintore Fanfani
Successeur Mariano Rumor
Ministre de l'Éducation

(1 an, 8 mois et 27 jours)
Président du Conseil Adone Zoli
Amintore Fanfani
Gouvernement Zoli
Fanfani II
Prédécesseur Paolo Rossi
Successeur Giuseppe Medici
Ministre des Grâces et de la Justice

(1 an, 10 mois et 13 jours)
Président du Conseil Antonio Segni
Gouvernement Segni I
Prédécesseur Michele De Pietro (it)
Successeur Guido Gonella
Biographie
Nom de naissance Aldo Luigi Romero Moro
Date de naissance
Lieu de naissance Maglie (Italie)
Date de décès (à 61 ans)
Lieu de décès Rome (Italie)
Nature du décès Assassinat
Nationalité Italien
Parti politique DC
Diplômé de Université de Bari
Profession Universitaire
Religion Catholicisme

Signature de Aldo Moro

Aldo Moro
Présidents du Conseil des ministres d'Italie
Ministres des Affaires étrangères d'Italie
Ministres de l'Éducation d'Italie
Ministres de la Justice d'Italie

Aldo Moro [ˈaldo ˈmɔːro][1] Écouter, né le à Maglie et mort assassiné le à Rome (ou ses environs), est un homme d'État italien membre de la Démocratie chrétienne (DC).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est professeur de droit pénal. Il est élu député en , entre pour la première fois au gouvernement en et dirige la Démocratie chrétienne entre et . Il exerce deux fois les fonctions de président du Conseil des ministres d'Italie (1963-1968 puis 1974-1976) et dirige par deux fois la diplomatie italienne.

Partisan du « compromis historique » entre les chrétiens-démocrates et les communistes, il est enlevé en par les Brigades rouges. Il est séquestré 55 jours et finalement assassiné par ses geôliers. Les conditions de sa mort et l'incapacité des autorités de l'époque à le sauver restent des sujets polémiques dans la classe politique et les médias italiens.

Biographie[modifier | modifier le code]

Débuts politiques[modifier | modifier le code]

Aldo Moro en 1955.

Professeur de droit pénal à la faculté de droit de l'université de Bari à partir de 1940, Aldo Moro rejoint, en 1941, la FUCI (Fédération universitaire des catholiques italiens) et en devient le président.

Après la Seconde Guerre mondiale, il est élu à l'Assemblée constituante en 1946.

Moro participe à la rédaction de la nouvelle constitution. Il est ensuite réélu comme député à la Chambre des députés en 1948 pour y servir jusqu'à sa mort. Il est sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères (1948-1950), garde des sceaux, ministre de la Justice (1955-1957), de l'Éducation nationale (1957-1958) et des Affaires étrangères (1969-1972 et 1973-1974).

Il est secrétaire de la Démocratie chrétienne de 1960 à 1963. À partir de décembre 1963 et durant 4 ans et demi, il dirige le premier gouvernement italien intégrant des ministres socialistes[2].

Le centre gauche entre en crise à la fin des années 1960, affaiblissant le poids de Moro dans son parti[2].

Juriste renommé, il a été professeur de droit et de procédure pénale à la faculté de sciences politiques de l'université de Rome « La Sapienza » de 1960 jusqu'à sa mort.

Le « compromis historique »[modifier | modifier le code]

Pendant les années 1970, Moro porta son attention sur le projet d'Enrico Berlinguer de compromis historique. Le dirigeant du PCI (Parti communiste italien) proposait une alliance entre les communistes et les démocrates-chrétiens à une époque de grave crise économique, politique et sociale en Italie.

Moro fut chef de gouvernements de centre-gauche de novembre 1974 à avril 1976 mais jamais il ne put diriger une coalition issue du compromis historique. Alors qu'il présidait la Démocratie chrétienne en 1976, il fut l'un de ceux qui contribuèrent à former un gouvernement de « solidarité nationale » dirigé par Giulio Andreotti, avec le PCI dans la majorité, une année plus tard[2].

Pacte Moro avec les groupes palestiniens[modifier | modifier le code]

Moro impulsant une politique proarabe comme ministre des Affaires étrangères[2], l’Italie passa un accord dénommé « pacte Moro » avec les groupes palestiniens pour qu’ils puissent transiter et passer des armes sur le territoire italien sans être inquiétés, en échange de l’engagement à ne pas accomplir d’attentats sur son sol. Le pacte aurait tenu jusqu’à la mort d’Aldo Moro[3].

Enlèvement et assassinat[modifier | modifier le code]

Le , Aldo Moro est enlevé en plein Rome, rue Mario-Fani, par les Brigades rouges, un groupe terroriste d'extrême gauche dirigé par Mario Moretti. Les assaillants assassinent froidement les cinq gardes du corps de Moro afin de l’enlever[4]. Oreste Leonardi, 52 ans, chef de l'escorte, et Domenico Ricci, 42 ans, sont avec Aldo Moro à bord d'une Fiat 130. Dans le deuxième véhicule, une Alfa Romeo Alfetta, se trouvent Giulio Rivera, 24 ans, Francesco Zizzi, 30 ans, et Raffaele Iozzino, 24 ans[5].

Moro était en route pour une session de la Chambre des députés lorsqu’il a été enlevé. Lors de cette session, les députés devaient discuter le vote de confiance au nouveau gouvernement de Giulio Andreotti qui, pour la première fois, recevait l’aval du Parti communiste. Ce devait être la première application de la vision stratégique que partageait Moro avec Berlinguer de compromis historique.

Les Brigades rouges proposèrent d’épargner la vie de Moro en échange de la libération de plusieurs de leurs compagnons emprisonnés[6].

Pendant cette période, Moro écrivit des lettres aux principaux dirigeants de la Démocratie chrétienne (DC) ainsi qu’au pape Paul VI (qui plus tard célébra personnellement la messe de funérailles de Moro). Dans ses lettres, Moro prônait comme objectif prioritaire pour l’État de sauver des vies, et affirmait que le gouvernement devait s’évertuer à satisfaire les revendications de ses geôliers. La plupart des dirigeants du parti de la DC soutenaient que les lettres ne reflétaient pas les aspirations sincères de Moro, et refusèrent toute tentative de négociation, rejetant ainsi les requêtes de la famille Moro. Dans son appel aux terroristes, le pape Paul VI demanda la libération « sans conditions » de Moro[6].

Après une détention de 55 jours, Moro est assassiné le 9 mai à Rome de douze balles tirées dans la poitrine[7],[6]. Suivant les indications des Brigades rouges, son corps est retrouvé le jour même dans le coffre d'une Renault 4L[8], via Michelangelo Caetina, dans le centre de Rome, près du siège du parti communiste, via delle Botteghe Oscure 4, et du siège de la démocratie chrétienne, qui est situé au Palais Cenci-Bolognetti à la Piazza del Gesù[9].

Le 13 mai suivant, le pape Paul VI a célébré une messe solennelle pour la mort d'Aldo Moro, ami et allié de longue date, à laquelle de nombreuses personnalités politiques italiennes ont participé. Cette cérémonie funéraire a été célébrée sans la dépouille de Moro à la demande explicite de la famille, qui n'y a pas participé, disant que l'État italien avait fait peu ou rien pour sauver sa vie, et refusant les funérailles d'État : elle choisit de procéder aux funérailles en forme privée à l'église de san Tommaso de Torrita Tiberina, une petite ville de la province romaine où l'homme d'État aimait se reposer, et où il a été aussi inhumé[10].

Les procès criminels et les conséquences[modifier | modifier le code]

Le procès des ravisseurs d'Aldo Moro, impliquant 63 accusés, s'est tenu du au à Rome. Il s'est soldé par 32 condamnations à perpétuité (dont plusieurs par contumace, comme celle d'Alessio Casimirri), une vingtaine de condamnations totalisant 316 ans de prison et quatre acquittements. Le , les brigadistes emprisonnés dans la prison de Palmi, dont des chefs « historiques » du mouvement comme Renato Curcio, font parvenir à la presse des documents dans lesquels ils reconnaissent l'échec de leur action et remettent en cause toute forme de terrorisme. Le , le jugement de la cour d'appel, confirmé par la Cour suprême, annule dix condamnations à perpétuité, conformément à la politique de modération envers les repentis mise en place avec succès au début des années 1980[11].

Certains[Qui ?] ont envisagé que les lettres de Moro comportaient des messages codés à l’intention de sa famille et de ses collègues. D'autres[Qui ?] ont douté de la validité de ces lettres et envisagé une éventuelle censure. Le chef des carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa (qui sera plus tard assassiné par la mafia) trouva des copies des lettres de Moro dans une maison milanaise ayant appartenu à des terroristes. Mais ce ne fut que des années après cette découverte qu’elles furent rendues publiques.

Débats[modifier | modifier le code]

Le juge Rosario Priore (it) a déclaré que les Brigades rouges ont bénéficié du soutien logistique et direct de la Stasi est-allemande.

Certains[Qui ?] ont suggéré que le mouvement d'extrême gauche avait été infiltré ou manipulé, pour discréditer la cause communiste, par les services secrets américains. Guy Debord, lui, met plutôt en cause des services secrets italiens (it)[12][source insuffisante]. Cette théorie se fonde sur le fait que l'effort fourni par Moro pour intégrer des communistes au gouvernement n'avait pas reçu l'approbation des États-Unis. Aucune preuve n'a pu être trouvée pour appuyer cette théorie.

Le journaliste Indro Montanelli, cependant, a toujours nié les théories du complot sur l'affaire Moro[13] : aucune conspiration internationale, Moro a été enlevé et assassiné par une poignée de « révolutionnaires » italiens[14]. Montanelli a rendu un jugement sévère sur les lettres écrites par Moro[15] et sa famille[16],[17].

Il est néanmoins établi que le gouvernement italien, conseillé par des fonctionnaires américains, a délibérément fait échouer les négociations. Dans un documentaire d'Emmanuel Amara réalisé pour France 5, Les Derniers Jours d'Aldo Moro (2006), Steve Pieczenik, un ancien négociateur en chef américain[18] ayant travaillé sous les ordres des secrétaires d'État Henry Kissinger, Cyrus Vance et James Baker, raconte comment il a participé au court-circuitage des négociations afin qu'elles n'aboutissent pas, avec comme recours éventuel de « sacrifier Aldo Moro pour maintenir la stabilité politique en Italie ». « J'ai instrumentalisé les Brigades rouges pour tuer Moro », ajoute-t-il. Un peu plus tard, dans le même documentaire, Francesco Cossiga, ministre de l'Intérieur de l'époque, confirme cette version des faits[19]. C'est aussi la conclusion à laquelle était arrivé le journaliste d'investigation américain Webster G. Tarpley en 1978. Ces conclusions sont également corroborées par les témoignages du député et secrétaire d'État italien Elio Rosati, très proche collaborateur et ami d'Aldo Moro[20],[21].

Postérité[modifier | modifier le code]

Le pont Punta Penna Pizzone de Tarente, parmi les plus longs d'Europe, lui est dédié en 2008[22]. Le , le Saint-Siège, par la voix d'Agostino Vallini, a déclaré étudier le dossier d'une éventuelle béatification d'Aldo Moro[23],[24],[25].

Le cinéaste italien Marco Bellocchio a consacré deux œuvres à l'enlèvement et à l'assassinat Aldo Moro :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
  2. a b c et d Manlio Graziano, « Biographies », dans L’Italie. Un État sans nation ? : Géopolitique d’une identité nationale incertaine, Toulouse, Érès, coll. « Bibliothèque géopolitique », (lire en ligne), p. 351-363.
  3. Eric Jozsef, « Les dessous secrets de l’amitié entre l’Italie et Kadhafi »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Le Temps, (consulté le ).
  4. « Il y a 35 ans, les Brigades rouges assassinaient Aldo Moro »
  5. (it)Aldo Moro: la scorta trucidata dai brigatisti in via Fani - Chi erano, Agenzia Nazionale Stampa Associata, 7 mai 2018
  6. a b et c (it) Indro Montanelli et Mario Cervi, L'Italia degli anni di piombo, Milan, Rizzoli, 1991.
  7. Le responsable des Brigades Rouges a tiré deux balles sur Moro avec un Walter PPK, puis, l'arme s'étant enrayée, a pris une mitraillette Skorpion munie d'un silencieux avec laquelle il a tiré deux rafales de neuf balles[Combien ?]. cf. Philippe Foro, Une longue saison de douleur et de mort : l'affaire Aldo Moro, Vendémiaire, , p. 125.
  8. Patrick Descheemaekere, « 9 mai 1978. Le corps d’Aldo Moro est retrouvé dans le coffre d’une automobile », sur France Info, (consulté le )
  9. Pourquoi a-t-on tué Aldo Moro ?, Institut national de l'audiovisuel, 14 avril 2016
  10. (it) « 9 maggio 1978: lo schiaffo a Paolo VI. Storia e fallimento della mediazione vaticana per la liberazione di Aldo Moro », sur treccani.it (consulté le ).
  11. (it) Sergio Zavoli, La notte della Repubblica, Roma, Nuova Eri, 1992.
  12. Guy Debord, Préface à la quatrième édition italienne de « La Société du Spectacle », 1979.
  13. (it) « Aldo Moro: commemorare o dimenticare? », sur Corriere della Sera, 21 décembre 1995 (consulté le 13 mars 2016).
  14. (it) Sandro Gerbi et Raffaele Liucci, Indro Montanelli (1909-2001): Una biografia, Milan, Hoepli, 2014.
  15. (it) Indro Montanelli, « Aldo Moro, al di là della melassa ipocrita », sur Corriere della Sera, 22 mars 1997 (consulté le 13 mars 2016).
  16. (it) Indro Montanelli, « La vedova nera », sur il Giornale nuovo, 23 juillet 1982.
  17. (it) « INDRO MONTANELLI: Milano. Lettera al Sen. Cesare Pozzo per posizioni Maria Fida - 23 novembre 1990 ».
  18. (en) « US envoy admits role in Aldo Moro killing », telegraph.co.uk, 11 mars 2008.
  19. Hubert Artus, « Pourquoi le pouvoir italien a lâché Aldo Moro exécuté en 1978 », sur Rue89, nouvelobs.com, le 8 février 2008. Extrait du documentaire d'Emmanuel Amara.
  20. (it) Alberto Zaza d'Aulisio, « Addio Rosati, l'amico che Moro stimava di più », Il Mattino,‎ (lire en ligne).
  21. (it) « Parla Elio Rosati / "Io, tra i pochi che volevano Moro vivo" », Il Mattino,‎ .
  22. PONTE PUNTA PENNA PIZZONE, TRA I PIÙ LUNGHI D’EUROPA sur madeintaranto.org.
  23. (es) Eusebio Val, « Aldo Moro, de mártir a santo », sur elcolombiano.com, El Colombiano, (consulté le ).
  24. Le Matin, « Aldo Moro, assassiné par les Brigades rouges, bientôt béatifié ? », sur lematin.ch, Le Matin, (consulté le ).
  25. François-Xavier Maigre, « L’ancien président du conseil italien Aldo Moro pourrait être béatifié », sur la-croix.com, La Croix, (consulté le ).
  26. « Esterno notte », sur senscritique.com (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Emmanuel Amara, Nous avons tué Aldo Moro, Patrick Robin éditions, 2006 (ISBN 2-35228-012-5) (commentaire sur delpla.org)
  • (it) Marco Baliani, Corpo di stato. Il delitto Moro, Milano, Rizzoli, 2003 (fr) Corps d’État, traduction disponible dans le fonds de la maison Antoine Vitez.
    Dans ce classique du théâtre-récit sur l’assassinat d’Aldo Moro, Baliani évoque aussi l’assassinat de Peppino Impastato.
  • Philippe Foro, Une longue saison de douleur et de mort. L'affaire Aldo Moro, Vendémiaire, 2011
  • Indro Montanelli et Mario Cervi, L'Italia degli anni di piombo, Milan, Rizzoli, 1991
  • Aldo Moro, Mon sang retombera sur vous, Tallandier, 2005
  • Leonardo Sciascia, L'Affaire Moro, Grasset, 1978
  • Webster Tarpley, Chi ha ucciso Aldo Moro ? (Qui a tué Aldo Moro ?), 1978
  • Sergio Zavoli, La notte della Repubblica, Roma, Nuova Eri, 1992
  • L'auteur français Maurice Attia évoque l'enlèvement d'Aldo Moro dans l'un de ses romans : Le rouge et le brun, paru en 2021 chez Jigal.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]