Albert de Bérulle — Wikipédia

Albert de Bérulle
Illustration.
Albert de Bérulle (1755-1794)
Fonctions
Premier président au parlement du Dauphiné

(10 ans)
Biographie
Nom de naissance Amable Pierre Albert de Bérulle
Date de naissance
Lieu de naissance Paris
Date de décès (à 38 ans)
Lieu de décès Paris
Nature du décès guillotiné

Albert de Bérulle
Blason de la famille de Bérulle

Amable Pierre Albert de Bérulle dit Albert de Bérulle, baptisé (et vraisemblablement né) le à Paris, paroisse de Saint-Louis-en-l'Île[1], de Amable Pierre Thomas de Bérulle et de Catherine Marie Rolland son épouse, mort guillotiné le 6 thermidor an II () en cette même ville[2], est un magistrat et homme politique français, Premier président au Parlement du Dauphiné de 1779 à 1789.

Biographie[modifier | modifier le code]

Il est issu d'une ancienne famille de la noblesse française : un ancêtre paternel, Amaury de Bérulle, sert le roi de France Philippe VI de Valois contre les Anglais à la bataille de Crécy en 1346[3].

Il épouse en 1779 Marie Blanche Rosalie Hue de Miromesnil (1765-1787), fille d'Armand Thomas Hue de Miromesnil, alors garde des Sceaux, et de sa seconde épouse Blanche Françoise Rosalie Bignon. Il se remarie en 1790 avec Anne Marie Françoise Le Vavasseur d'Hérouville , fille de Simon Jacques Le Vavasseur d'Hérouville (mort en 1771) maître ordinaire de la chambre des comptes de Paris, et d'Angélique Marie Morel d’Yverny (morte en 1776)[4].

Trois de ses ancêtres ont assuré la fonction de président du parlement du Dauphiné, situé à Grenoble : son arrière-grand-père Pierre de Bérulle (1640-1723), son grand-père Pierre Nicolas (1688-1730) et son père Amable Pierre Thomas (1725-1797), dont il hérite de la charge[4],[5]. Il y est nommé conseiller le avec dispense d'âge, et obtient la charge de Premier président dès 1779, mais prend possession de son siège le , lorsque son père abandonne ses fonctions[6].

Confronté aux édits royaux élaborés par le ministre Loménie de Brienne, successeur de Charles-Alexandre de Calonne, qui entraînent la fin du pouvoir des parlements, le Parlement du Dauphiné, sous la présidence d'Albert de Bérulle, proteste, par un arrêté du qui se réfère à L'esprit des lois de Montesquieu, contre la « translation » à Troyes de celui de Paris[7].

En 1788, arrive le tour de celui du Dauphiné, « mis en vacances [...] à main armée » après l'enregistrement forcé du par les parlementaires séquestrés, sous la férule du duc de Clermont-Tonnerre lieutenant général du Dauphiné, des édits qui interdisent aux parlementaires de se réunir[8],[6].

Le , les parlementaires trouvant les portes du Parlement closes et gardées « à main armée », sont « mis en vacances ». Albert de Bérulle les réunit en son hôtel de la Première présidence, où il proclame que, si les édits de Lamoignon étaient maintenus, « le Parlement du Dauphiné se regarderait comme entièrement dégagé de sa fidélité envers son souverain », et signe un nouveau procès-verbal de protestation et d'opposition aux décisions royales[N 1], qui s'ajoute à celui du 9 mai réclamant la tenue d'états généraux[10], et à ceux des 10 et [11],[12],[13],[14].

Dans la matinée du , le lieutenant général fait distribuer à tous les parlementaires des lettres de cachet datées du leur enjoignant de quitter aussitôt la ville de Grenoble et de s'exiler sur leurs terres[11],[15]. Alors qu'ils s'apprêtaient à obtempérer, vers dix heures toutes les boutiques de la ville sont fermées, et le peuple se porte en foule vers l'hôtel du Premier président, où il s'oppose au départ de ce dernier en détachant ses malles et ses paquets et en démontant sa voiture, Le peuple se rend ensuite chez plusieurs magistrats et les conduit en tractant « à bras » leurs voitures jusqu'à l'hôtel de la Première présidence, dont il garde la porte[N 2]. Alors que le tocsin sonne de toutes parts, et que les portes de la ville sont fermées et clouées pour empêcher toute sortie, deux régiments se répandent dans les différents quartiers, suscitant trouble et émotion. Le peuple se rend alors à l'hôtel du commandant pour demander les clés du palais et la réintégration du parlement. La troupe accourue pour repousser les émeutiers fait feu et use de la baïonnette et du sabre, causant trois morts. Tandis qu'une fraction du peuple continue d'assiéger les deux hôtels du pouvoir, une autre dépave quelques parties de rues, monte sur les toits, d'où sont jetés pavés et tuiles sur la troupe, qui dénombre quelques blessés. Pendant ce temps, des paysans des villages voisins, alertés par le tocsin, se rendent en masse vers les portes et les remparts de la ville, dont ils forcent l'entrée.

Le duc de Clermont-Tonnerre adresse alors au président Albert de Bérulle un billet le priant « de vouloir bien suspendre [son] départ et autoriser [les autres parlementaires] à en user de même, jusqu'à nouvel ordre  ». Devant la poursuite de l'agitation du peuple, qui insiste pour que le parlement tienne séance et pour obtenir les clés du palais, le duc décide de les remettre au président, accompagnées d'une nouvelle missive : « Je vous prie, M. le Premier président, de prendre toutes les précautions que votre prudence vous suggèrera, & notamment d'aller en robe au palais avec le nombre de MM. de votre compagnie que vous pourrez rassembler, et d'en imposer au peuple au nom du Roi et du parlement ». Le président convoque les magistrats se trouvant encore en ville et avec eux il se rend en robe au palais, où il prononce un discours pour calmer l'effervescence et l'émotion de la population, en lui communiquant la teneur des billets du duc de Clermont-Tonnerre, en l'assurant qu'il continuera de solliciter la justice et les bontés du roi, et en demandant que chacun se retire dans sa demeure. Puis les magistrats se rendent à l'hôtel du Premier président, où ils consignent sur un procès-verbal les évènements de cette journée[15], qu'on nommera ultérieurement « journée des Tuiles », ou « révolution dauphinoise »[8].

Après le retour au calme, le , les parlementaires obéissent aux ordres du roi et se retirent sur leurs terres[17].

Albert de Bérulle reviendra à Grenoble le sous les acclamations populaires, à l'occasion du rétablissement du parlement dans ses fonctions[8],[13],[18].

Dans l'intervalle s'était déroulée le au château de Vizille la Réunion des états généraux du Dauphiné, encore appelée assemblée de Vizille.

La Révolution française, qu'il a involontairement contribué à enclencher, sera fatale à Albert de Bérulle puisque, condamné à mort le 6 thermidor an II () par le tribunal révolutionnaire de Paris comme complice d’une conspiration dans la maison d’arrêt de Saint-Lazare où il était détenu, il est guillotiné le même jour à la barrière du Trône. Il est inhumé au cimetière de Picpus[6]. Le surlendemain, le duc de Clermont-Tonnerre était à son tour victime de la Terreur, et trois jours après, survenait la chute de Robespierre.

Arrêts et procès-verbaux établis sous la présidence d'Albert de Bérulle en 1787 et 1788[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

Depuis 1893 une place du centre-ville de Grenoble se nomme place de Bérulle[19].

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Ville de Grenoble, « Documents historiques sur les origines de la révolution dauphinoise de 1788 », sur gallica.bnf.fr, Grenoble, Imprimerie Breynat et Cie, (consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Albert Piollet, Étude historique sur Thomas et Albert de Bérulle, premiers présidents du Parlement de Grenoble, de 1760 à 1790, Grenoble, Baratier et Dardelet, , 57 p. (OCLC 457822252, BNF 31116103)
  • Albert Piollet, Discours : MM. de Bérulle et le parlement de Grenoble de 1760 à 1790, Grenoble, Baratier et Dardelet, , 62 p. (OCLC 457822241, BNF 34067862, lire en ligne)
  • Edmond Maignien, Bibliographie historique du Dauphiné pendant la Révolution française, de 1787 au 11 nivôse an XIV (31 décembre 1803), t. 1, Grenoble, Imprimerie dauphinoise, , 378 p. (OCLC 1176874784, BNF 39043088, lire en ligne)
  • Jean Egret, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : T. II, Le Parlement et la Révolution dauphinoise [1775-1790] (Thèse de doctorat présentée à la Faculté des lettres de l'Université de Paris), (OCLC 493724649)
  • Jean Egret, La pré-Révolution française (1787-1788), , 400 p. (OCLC 1121690317, BNF 32991936, lire en ligne)
  • Clarisse Coulomb, Les pères de la patrie : la société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Presses universitaires de Grenoble, , 540 p. (OCLC 608202960, BNF 40232498, présentation en ligne)
  • Michel Figeac, Les magistrats en révolte ou la fin du rêve politique de la monarchie des juges, Persée, , 16 p. (OCLC 754440947, lire en ligne)

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Ce procès-verbal « dénonce les auteurs [des édits royaux] comme perturbateurs du repos public, fauteurs du despotisme, coupables [...] de la subversion des lois & du renversement de la constitution de l'état » et « déclare [...] que tous ceux qui favoriseraient l'exécution dudit projet [...] seront réputés traitres au roi & à la nation, et comme tels poursuivis et notés d'infamie »[9].
  2. De plus, l'impact économique du parlement est alors très important : celui-ci représente, avec les familles, près de quatre mille personnes dans une ville qui n'en compte pas tout à fait vingt-cinq mille[16].
  3. Tout en exprimant du respect pour le monarque, ces arrêts et procès-verbaux comportent des termes et expressions, dirigés à l'encontre des ministres de Louis XVI, que l'on retrouvera plus tard dans les débats et les écrits de la Révolution française : « despotisme odieux, pouvoir absolu, procédure criminelle, abus d'autorité inoui, misère du peuple, on a négligé l'intérêt du peuple, le luxe immodéré [de la capitale] dessèche les provinces, convocation des États généraux, souveraineté de la nation, droits de la nation, droits des sujets, droit sacré de propriété, bonheur des peuples, amour du bien public ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. Archives de Paris, « Reconstitution des actes de l'état civil : Amable Pierre Albert de Bérulle » (Acte de naissance) (consulté le ), p. 3-4.
  2. Archives de Paris, « Reconstitution des actes de l'état civil : Amable Pierre Albert de Bérulle » (Acte de décès), sur archives.paris.fr (consulté le ), p. 4.
  3. Base généalogique Roglo, « Amaury de Bérulle », sur roglo.eu (consulté le ).
  4. a et b Base généalogique Roglo, « Ascendants d'Amable Pierre Thomas de Bérulle : Jusqu'à la 14e génération », sur roglo.eu (consulté le ).
  5. Albert Piollet, Étude historique sur Thomas et Albert de Bérulle, premiers présidents du Parlement de Grenoble, de 1760 à 1790, Grenoble, Baratier et Dardelet, , 57 p. (OCLC 457822252, BNF 31116103).
  6. a b et c Base généalogique Roglo, « Albert de Bérulle », sur roglo.eu (consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  7. Parlement du Dauphiné, « Arrêté du Parlement de Dauphiné : 21 août 1787 », sur gallica.bnf.fr, (consulté le ).
  8. a b et c Ville de Grenoble, « Documents historiques sur les origines de la révolution dauphinoise de 1788 », sur gallica.bnf.fr, Grenoble, Imprimerie Breynat et Cie, (consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  9. Paul Dreyfus, Histoire du Dauphiné, Hachette, , 319 p. (ISBN 2-01-001329-8, OCLC 476314025, BNF 34579281), p. 190-191.
  10. Parlement du Dauphiné, « Arrêt du Parlement de Dauphiné : Du 9 mai 1788 », sur gallica.bnf.fr, (consulté le ).
  11. a et b Parlement du Dauphiné, « Procès-verbaux et arrêts du Parlement de Dauphiné : Des 10, 11 & 20 mai 1788 », sur gallica.bnf.fr, (consulté le ).
  12. Bertrand Tièche, « Les Parlements contre le Roi : 30 ans d'une lutte de l'aristocratie contre l'absolutisme royal », sur www.revolutionfrancaise.website, (consulté le ).
  13. a et b Edmond Maignien, Bibliographie historique du Dauphiné pendant la Révolution française, de 1787 au 11 nivôse an XIV (31 décembre 1803), t. 1, Grenoble, Imprimerie dauphinoise, , 378 p. (OCLC 1176874784, BNF 39043088, lire en ligne).
  14. Jean Egret, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : T. II, Le Parlement et la Révolution dauphinoise [1775-1790] (Thèse de doctorat présentée à la Faculté des lettres de l'Université de Paris), (OCLC 493724649).
  15. a et b Parlement du Dauphiné, « Procès-verbal dressé par les magistrats du Parlement de Grenoble à l'occasion des lettres de cachet [...] qui leur ont été distribuées le 7 juin [...] pour les envoyer en exil : Du 7 juin 1788 », sur gallica.bnf.fr, (consulté le ).
  16. Paul Dreyfus, Grenoble, Arthaud, , 259 p. (ISBN 2-7003-0297-4, OCLC 906373174, BNF 34631442), p. 107.
  17. Vital Chomel (dir.) et al., Histoire de Grenoble, Éditions Privat, , 466 p. (ISBN 2708947575, OCLC 906251167, BNF 34711619), p. 223.
  18. Michel Figeac, Les magistrats en révolte ou la fin du rêve politique de la monarchie des juges, Persée, , 16 p. (OCLC 754440947, lire en ligne).
  19. « Les places de Grenoble : Place de Bérulle », sur www.charles-de-flahaut.fr (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]