Alain Besançon — Wikipédia

Alain Besançon, né le dans le 6e arrondissement de Paris et mort le dans le 7e arrondissement[1], est un historien et soviétologue français, membre de l'Académie des sciences morales et politiques.

Membre du Parti communiste français dans sa jeunesse, il rompt avec le communisme après la révélation des crimes staliniens qui intervient à partir de 1956, et adopte alors une position d'analyse critique de la question du totalitarisme. Devenu soviétologue, il suit une carrière universitaire à l'EHESS, où il est directeur d'études à partir de 1977, il enseigne à l'étranger et collabore à plusieurs revues et journaux. Revenu au catholicisme, il publie plusieurs ouvrages consacrés aux religions et à l'histoire du christianisme.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Alain Besançon est le fils du professeur Louis Justin-Besançon (1901-1989) et de Madeleine Delagrange (1903-1972), elle-même cousine du pharmacien Jacques Delagrange et copropriétaire avec ce dernier des Laboratoires Delagrange, commercialisant le Primpéran[2]. Fils, petit-fils et frère de médecin, son enfance, ses études et son engagement politique sont connus en détail par un riche essai auto-biographique et critique qu'il a publié à Paris en 1987, Une génération.

Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, agrégé d’histoire (1957)[3], il a mené sa thèse de doctorat en histoire sous la direction de Roger Portal.

En 1954, il épouse Marie Goldstyn, juive française née en 1932 de parents polonais (Abraham et Rebecca Goldstyn). Celle-ci a vécu cachée pendant l’Occupation. Le couple aura quatre enfants.

Parcours professionnel[modifier | modifier le code]

Alain Besançon a été professeur de l'enseignement secondaire au lycée de Montpellier, au lycée Carnot de Tunis puis au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine.

Il est devenu attaché de recherches au CNRS, de 1960 à 1964. Sa carrière universitaire s'est poursuivie à l'EHESS comme maître-assistant (1965), puis sous-directeur (1969), enfin directeur d'études (depuis 1977).

Il a également enseigné à l'Institut d'études politiques de Paris[4].

À l'étranger, il a enseigné dans de nombreuses institutions et universités aux États-Unis : Research Associate à l'université Columbia à New York (où il a reçu l'influence de Martin Malia), Visiting Professor à l'université de Rochester à New York, Visiting Scholar au Wilson Center, Kennan Institute à Washington, à la Hoover Institution à Stanford (en 1983 et 1984), puis à l'université de Princeton.

En Grande-Bretagne, il a été Visiting Fellow au All Souls College à Oxford (1986).

Le , il est élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques, dans la section « morale et sociologie » avant de passer dans la section « philosophie » en 1999[5].

Appartenance à des revues scientifiques et journalisme[modifier | modifier le code]

Alain Besançon est membre du comité de rédaction des Cahiers du monde russe depuis leur fondation en 1961 et membre du conseil de rédaction de la revue Commentaire depuis 1986. Il a également été éditorialiste à L'Express de 1983 à 1988. Il publie régulièrement des articles dans Le Figaro.

Parcours idéologique[modifier | modifier le code]

Il a été membre du Parti communiste français de 1951 à 1956. Son départ est lié à la révélation des crimes du stalinisme lors de la diffusion du rapport[6] de Nikita Khrouchtchev. Il s’est senti honteux et très en colère d’avoir été trompé : « Ce fut alors que, comme historien apprenti, je décidai d’explorer l’histoire de la Russie et de l’URSS afin de mieux comprendre ce qui m’était arrivé »[7],[8].

On peut rapprocher cette volonté de son intention de porter un jugement sur les faits historiques. Selon Alain Besançon, l’enquête historique « doit conserver son sens judiciaire. L’enquête aboutit au jugement quand toutes les pièces ont été consultées et exactement pesées. » Il ajoute que « le procès de l’histoire russe » « au tribunal de l’histoire » est une « cause capitale entre toutes »[9].

Mort[modifier | modifier le code]

Il meurt à l'âge de 91 ans le [10] à Paris, et est inhumé au cimetière du Montparnasse[11].

Prises de positions[modifier | modifier le code]

Engagements politiques[modifier | modifier le code]

Il a appartenu au Comité des intellectuels pour l'Europe des libertés[12].

Lutte contre le négationnisme[modifier | modifier le code]

En , il fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson[13].

Apports[modifier | modifier le code]

Soviétologie[modifier | modifier le code]

Alain Besançon développe du communisme et du nazisme une analyse moins politique ou géopolitique que métaphysique et théologique : selon lui, le léninisme, source de tout système totalitaire, est une forme de gnose (Les Origines intellectuelles du léninisme, 1977). C’est, selon lui, dans la structure de la croyance totalitaire, et dans ses origines pseudo-chrétiennes - au premier rang desquelles le marcionisme - qu'il conviendrait de chercher la clé des énigmes bolchévique et hitlérienne.

Dans Les Origines intellectuelles du léninisme, il écrit la formule : « [Lénine] croit qu'il sait mais il ne sait pas qu'il croit »[14].

Histoire du christianisme[modifier | modifier le code]

S'ajoute à ses centres d'intérêt une spécialité dans l'histoire du christianisme. Alain Besançon, lui-même revenu au catholicisme après plusieurs années au Parti communiste, étudie les résurgences d'hérésies anciennes dans l'Église contemporaine, ainsi que l'influence exercée sur la foi catholique par le socialisme et l'islam (Trois tentations dans l'Église, 1996). Son œuvre propose une approche méthodique, chrétienne et pluridisciplinaire du « Mal moderne » : dans son approche du totalitarisme, la tradition théologique vient épauler la recherche historique et la réflexion philosophique.

Dans L'Image interdite (Fayard, 1994), il étudie l'iconoclasme, mouvement multiforme qui condamne et détruit les images au nom de la lutte contre l'idolâtrie. Il explique, en Orient comme Occident, les raisons de cet anathème, qu'on retrouve chez Platon, à Byzance autour de 843, chez le théologien Calvin, chez le philosophe Hegel et jusqu'au peintre Malevitch. Car l'abstraction, contrairement au réalisme socialiste, manifeste une méfiance vis-à-vis des images, pour faire apparaître une « réalité invisible » (p. 497).

Romancier[modifier | modifier le code]

Alain Besançon publie en 2008 un roman, Émile et les menteurs, dont le héros rappelle, de façon involontaire, Jérôme Kerviel, le trader de la Société générale[15].

Publications[modifier | modifier le code]

  • Alain Besançon, « Un grand problème : la dissidence de la peinture russe (1860-1922) », Armand Colin, , p. 252-282
  • Le Tsarévitch immolé, 1967.
  • Histoire et expérience du moi, 1971.
  • Entretiens sur le Grand Siècle russe et ses prolongements (en collaboration), 1971.
  • Éducation et société en Russie, 1974.
  • L'Histoire psychanalytique, une anthologie, Mouton, 1974  ; « L'histoire psychanalytique. Une anthologie », sur gallica.bnf.fr/ark (consulté le )
  • Être russe au XIXe siècle, 1974.
  • Court traité de soviétologie à l'usage des autorités civiles, militaires et religieuses, 1976 (préface de Raymond Aron).
  • Les Origines intellectuelles du léninisme, Calmann-Lévy, 1977.
  • La Confusion des langues, 1978.
  • "Soljénitsyne à Harvard", Commentaire, vol. 4 (hiver 1978) [16]
  • Présent soviétique et passé russe, Livre de poche, Paris, 1980 (réédité : Hachette, Paris, 1986).
  • Anatomie d'un spectre : l'économie politique du socialisme réel, Calmann-Lévy, Paris, 1981.
  • Courrier Paris-Stanford (en collaboration), 1984.
  • La Falsification du bien, Soloviev et Orwell, Julliard, 1985.
  • Une génération, Julliard, 1987, Prix Eugène-Piccard de l'Académie française.
  • Vendredis, 1989.
  • L'Image interdite, une histoire intellectuelle de l'iconoclasme, 1994.
  • Trois tentations dans l'Église, 1996.
  • Aux sources de l’iconoclasme moderne, 1998.
  • Le Malheur du siècle : sur le communisme, le nazisme et l'unicité de la Shoah, Fayard, 1998, 166 p.
  • Émile et les menteurs, 2008.
  • Cinq Personnages en quête d'amour. Amour et religion, 2010.
  • Sainte Russie, 2012.
  • Le Protestantisme américain. De Calvin à Billy Graham, 2013.
  • Problèmes religieux contemporains, Éditions de Fallois, 2015.
  • Contagions. Essais 1967-2015, Les Belles Lettres, 2018.

Contributions[modifier | modifier le code]

Distinctions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. T. Lefèbvre et C. Raynal, "La mystérieuse bonbonne des Laboratoires Delagrange", Revue d'histoire de la pharmacie, n° 353, 2007, p. 160-162.
  3. « Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960 », sur cnrs.fr (consulté le ).
  4. Marie Scot, Sciences Po, le roman vrai, Sciences Po, les presses, (ISBN 978-2-7246-3915-5)
  5. Académie des sciences morales et politiques, Le Monde,
  6. Crimes déjà dénoncés auparavant mais mal connus dans toute leur ampleur et non reconnus par les autorités soviétiques.
  7. Toutes les citations sont extraites de l'autobiographie qui couvre les vingt-cinq premières années de sa vie : Une génération, p. 322-327.
  8. Alain Besançon, interviewé par Alexandre Devecchio et Paul Sugy, « Alain Besançon : "Au milieu du vide métaphysique prospère une vague reliogisité humaine" », Le Figaro Magazine, semaine du 23 mars 2018, page 34.
  9. Préface à l’ouvrage de Marc Raeff, Comprendre l’ancien régime russe. État et société en Russie impériale, Paris, Ed. du Seuil, 1982, p. 14.
  10. « Mort de l’historien Alain Besançon, figure de l’anti-totalitarisme », sur LEFIGARO, (consulté le )
  11. Cimetières de France et d'ailleurs
  12. Alain Laurent, « Le CIEL (1978-1986) : une belle histoire sans avenir », sur archive.wikiwix.com - archive du document,
  13. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Le Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », , 691 p. (ISBN 2-02-035492-6), p. 237.
  14. Charles Jaigu, « Nous sommes tous des croyants », Le Figaro,‎ , p. 15
  15. Pierre Assouline, « Troublantes analogies », 1er mars 2008.
  16. Revue Commentaire, « Soljénitsyne à Harvard », sur www.commentaire.fr (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]