Grèves de Limoges de 1905 — Wikipédia

Sanglantes émeutes à Limoges, telles qu’imaginées par le supplément illustré du Petit Journal du 30 avril 1905 : drapeaux rouge et noir et charge des chasseurs à cheval.

Le terme de grèves ouvrières de 1905 renvoie aux grèves et manifestations des ouvriers de Limoges, principalement les porcelainiers, qui eurent lieu entre février et . Ces événements eurent un retentissement national.

Causes[modifier | modifier le code]

Les manifestants réclament d'abord le renvoi de contremaitres, les revendications salariales viennent ensuite[1].

Dans la porcelaine, les ouvriers réclament le renvoi du contremaître Penaud – souvent qualifié aussi de directeur – âgé de la cinquantaine et employé depuis douze ans dans la fabrique Charles Haviland qui est décrit comme exerçant un « droit de cuissage », en réalité des harcèlements sexuels[2].

Chronologie[modifier | modifier le code]

Protestant contre les bas salaires et les contremaîtres, les ouvriers de la chaussure et du feutre sont les premiers à se mettre en grève.

En mars 1905, l'arrivée d'un nouveau général à la tête de la division de Limoges est mal perçue, et les ouvrières de Haviland (porcelaine) rejoignent le mouvement en solidarité avec leurs camarades renvoyés.

Les grèves se généralisent en avril à l'imprimerie.

Des grèves ouvrières très dures éclatent en 1905, ce sera la révolte des porcelainiers. Le parti socialiste et les syndicats ouvriers font le plein d'adhésions.
Usine de porcelaine Haviland au début du siècle : les barils de porcelaine sont prêts à l'expédition vers les États-Unis.

Plus tard la grève s'étend à chacune des deux usines Haviland (Charles Haviland, avenue Garibaldi, et Théodore Haviland, place des Tabacs). Le drapeau rouge est hissé sur le toit de la seconde, en réponse au patron qui, d'origine américaine, avait hissé le drapeau des États-Unis.

Le président du Conseil Maurice Rouvier demande que les échanges entre ouvriers et patrons aboutissent. Les pourparlers sont repoussés. Le lock-out est engagé et les porcelainiers mis à la porte le .

L'armée intervient le . Une bagarre éclate, des barricades sont dressées dans l'un des faubourgs populaires (ancienne route d'Aixe). On déplore un cheval tué, la jument Estacade, dont le corps devient le centre d'une nouvelle barricade.

Des renforts militaires sont envoyés. Tout attroupement est prohibé par la préfecture, des armureries sont pillées. Une bombe explose devant la maison du directeur de l'une des usines Haviland, l'automobile (rare à l'époque) de Théodore Haviland est incendiée. Des arrestations interviennent.

Le , un cortège formé après un meeting de la CGT se rend à la préfecture demander la libération des personnes arrêtées. Sur le refus du préfet, la foule se rend à la mairie demander l'intervention du maire, Émile Labussière (socialiste). Celui-ci tente une démarche qui échoue. Les manifestants gagnent alors la prison départementale (place du Champ-de-Foire) et en défoncent l'entrée. Une troupe de cavaliers (dragons) est dépêchée. S'ensuit un violent affrontement. L'infanterie est envoyée au secours des cavaliers empêchés d'agir ; les émeutiers se réfugient dans le jardin d'Orsay, qui domine la place, mais est occupé par des badauds. Sous le jet de projectiles divers (et selon certaines sources, non avérées, après avoir subi des coups de feu), la troupe ouvre le feu et prend le jardin d'assaut. On déplore plusieurs blessés et un mort, du nom de Camille Vardelle (19 ans), ouvrier porcelainier qui se serait trouvé là comme spectateur.

Les funérailles du jeune Vardelle sont suivies, deux jours plus tard, par des dizaines de milliers de personnes. Les festivités du sont cette année-là annulées.

Le 1905, le travail reprend dans la porcelaine après la fin des négociations, mais les salariés n'ont pas obtenu satisfaction sur leurs principales revendications. Le mouvement se poursuit dans d'autres secteurs, principalement à la couperie de poils de lapin Beaulieu, rue d'Auzette. Les grévistes bloquent l'usine et la maison du patron. Le siège est finalement levé.

Conséquences[modifier | modifier le code]

L'évènement de Limoges est relaté dans les grands quotidiens français et étrangers, donnant à Limoges son surnom de ville rouge. Il est, en fait, une étape du combat des femmes pour préserver leur dignité.

Dans les décennies qui suivent, la ville acquiert une image en partie liée à ces évènements historiques. Ainsi, peu de temps après, un dessin portant la légende « Faites-nous peur, Monsieur Jaurès, parlez-nous de Limoges ! », paraît dans L'Assiette au beurre[3].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Geneviève Désiré-Vuillemin. Les grèves dans la région de Limoges de 1905 à 1914. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, tome 85, n°111, 1973. pp. 51-84. Lire en ligne
  2. Pierre Ancery. Guerre civile à Limoges : la révolte de la « ville rouge ». Retronews, 23 novembre 2017. Lire en ligne
  3. Limoges, ville d'art et d'histoire (livre publié en 2009 et issu du dossier de candidature de la ville présenté en 2007 au Ministère de la Culture), Ed. AD&D

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie et discographie[modifier | modifier le code]

  • Disque de 1986 réédité en 2005 en CD : « Rue de la Mauvendière », avec Philippe Destrem, Françoise Etay et Jean-Jacques Le Creurer.
  • Vincent Brousse, Dominique Danthieux, Philippe Grandcoing, 1905, le printemps rouge de Limoges, Limoges, éditions Culture et patrimoine en Limousin, 2005.
  • Laurent Bourdelas, Histoire de Limoges, Geste Editions, 2014.
  • Georges-Emmanuel Clancier, Le pain noir, 1956.
  • Alain et Josiane Deschamps, 1905. Les troubles de Limoges, Editions Lucien Souny, 1984.
  • Bernard Hautecloque, "Etat de siège à Limoges en avril 1905. Un mort" p.117-128, in La République face à la rue. Histoire du maintien de l'ordre, Editions du Félin, 2022.