Époque des beylicats — Wikipédia

L’époque des beylicats[1] (en turc : beylik désigne le territoire sous la juridiction d’un bey), ou des principautés d’Anatolie, fait référence à deux périodes de l'histoire de la Turquie. La première période se situe au XIe siècle lorsque de petits émirats turcs dirigés par un bey s’installent en Anatolie, jusqu’à la domination de la région par le sultanat seldjoukide de Roum. La seconde période débute pendant la deuxième moitié du XIIIe siècle lors du déclin du sultanat de Roum. Les beylicats les plus puissants ne disparaissent qu’à la fin du XVe siècle avec l’avènement de l’empire ottoman.

Histoire[modifier | modifier le code]

Grande mosquée de Divriği inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, construite en 1299 par un descendant des beys Mengüjekides.

Première période, après la bataille de Manzikert (26 aout 1071)[modifier | modifier le code]

Après la victoire des Seldjoukides sur l’empire byzantin lors de la bataille de Manzikert en 1071, des clans de Turcs Oghouzes pénètrent en Anatolie. Les Seldjoukides établissent un sultanat à Konya, le sultanat de Roum. Il a eu pour capitale Nicée (actuelle İznik, entre 1081 et 1097) puis Iconium (actuelle Konya, entre 1097 et 1302). Il fut établi à la suite d'un accord entre l’Empire byzantin et le chef seldjoukide Süleyman Ier Shah. Les seldjoukides installent des clans dirigés par des beys appelés « uç[2] bey », ceux-ci servent de tampons entre l’empire seldjoukide et l’empire byzantin. Ils reçoivent une aide militaire et financière des Seldjoukides contre leur complète allégeance. En 1176, le sultan Kılıç Arslan II défait l'Empire byzantin, qui lui cède encore du terrain, à Myrioképhalon. En 1207, le sultan Kay Khusraw Ier prend Antalya aux Vénitiens.

Deuxième période, après la bataille du Köse Dağ (26 juin 1243)[modifier | modifier le code]

Le minaret de la mosquée Yivli à Antalya, construite par les beys de Tekke aux environs de 1375

En 1242, Baïdju, nouvellement nommé commandant des armées mongoles par le grand khan Ögödei, se met immédiatement en mouvement vers le sultanat seldjoukide de Roum sur lequel règne le sultan Kay Khusraw II et qui semble à son apogée. Baïdju, après avoir pris et pillé Erzeroum (1242), assure la domination mongole à la bataille de Köse Dağ en [3]. Après cette bataille, Kay Khusraw II recherche l’aide de son ennemi l’empereur de Nicée Jean Vatatzès avec lequel il signe un traité d’alliance[4]. Baïdju occupe ensuite Sivas qui se rend à temps et est seulement pillée. Les villes de Tokat et de Kayseri qui tentent de résister sont dévastées. Cette campagne étend l’empire mongol jusqu’aux portes de l’empire de Nicée[5]. Dès les premiers revers, son allié et vassal, l’empereur de Trébizonde, préfère se déclarer vassal des Mongols et leur payer un tribut. Kay Khusraw est alors contraint d’en faire autant[4]. Le roi de Petite-Arménie Héthoum Ier se soumet lui aussi à l’Ilkhanat, assurant ainsi la sécurité des Arméniens vivant hors de Cilicie. Cette politique est poursuivie par ses successeurs ce qui protège la Cilicie aussi bien des Seldjoukides que des Mamelouks[5]. Les beys en profitent pour se déclarer indépendants des Seldjoukides. Néanmoins, le sultanat de Roum survit sous la tutelle mongole jusqu'en 1307.

L’affaiblissement de la puissance byzantine permet aux beys de pénétrer de plus en plus à l’ouest de l’Anatolie. Vers 1300, les Turcs atteignent les rives de la mer Égée. Au début de cette occupation, les états les plus puissants sont les Karamanides et les Germiyanides. Les Ottomans possèdent un petit beylicat peu puissant au nord-ouest de l’Anatolie, aux confins de l’empire byzantin. Le long de la mer Égée, du nord au s'échelonnent les beylicats de Karesi, des Saruhanides, des Aydınides, des Mentecheïdes et des beys de Tekke. Le long de la mer Noire, se sont installés les Ottomans[6], les Çobanoğulları à Kastamonu et la dynastie Candar dont le territoire, agrandi par le territoire des Çobanoğulları, s’étend alors jusqu’à la frontière avec l’Empire de Trébizonde[7].

La montée des Ottomans[modifier | modifier le code]

La mosquée d'İsa Bey à Selçuk près d'İzmir, construite par les Aydınides en 1375.

Les Ottomans commencent par s’étendre aux dépens des Byzantins. Ils continuent en annexant le beylicat voisin de Karesi. Ils parviennent à suffisamment de puissance pour pouvoir affronter leurs principaux concurrents, les Karamanides. Les Ottomans poursuivent leur extension en Anatolie en acquérant des villes soit en les achetant soit par des mariages. Les Karamanides attaquent les Ottomans en faisant alliance avec d’autres beylicats, avec les Mamelouks, avec les Aq Qoyunlu (Moutons blancs turcomans), avec les Byzantins, avec les empereurs de Trébizonde ou avec les Magyars en risquant chaque fois de perdre leur pouvoir. À la fin du siècle les Ottomans ont conquis une bonne partie du territoire des Karamanides et d’autres beylicats moins importants. Ils vont avoir une période de répit grâce à la défaite du sultan ottoman Bayezid Ier contre Tamerlan en 1402 lors de la bataille d'Ankara.

Les Ottomans reprennent le dessus pendant les règnes de Mehmed Ier Çelebi et de son fils Murad II. Pendant les années de leurs règnes, ils incorporent au domaine ottoman la majorité des beylicats. Ensuite, Mehmed II conquiert l’émirat de Karaman en mai et juin 1451. Selim Ier Yavuz conquiert le territoire des Ramazanides et des Dulkadirides en 1515 lors de sa campagne contre les Mamelouks. Son fils Soliman le Magnifique achève l’unité de l’Anatolie et au-delà en 1534.

Un bon nombre des beylicats ont servi de base aux divisions administratives de l’empire ottoman.

Les beylicats de la première période[modifier | modifier le code]

Nom du beylicat Nom turc Région(s) d'implantation Durée
Artukides[8],[9] Artuklu Beyliği Diyarbakır, Hasankeyf, Silvan, Harput, Mardin 811-1408
Danichmendides[10],[11] Danişmendliler Sivas, Malatya, Kayseri, Tokat, Amasya 1071-1178
Dilmaçoğlu Dilmaçoğulları Bitlis, Erzurum 1085-1192
Zachas Çaka Beyliği İzmir 1081-1098
Shah Arman[12],[13] Ermenşahlar ou Ahlatşahlar Ahlat 1085-1192
Inalides[14] İnaloğulları Diyarbakir brève existence
Mengüjekides[15],[16] Mengüçlü Beyliği ou Sökmenliler Beyliği Erzincan, puis Divriği 1118-1252
Saltukides[17],[18] Saltuklu Beyliği Erzurum 1092-1202

Les beylicats de la seconde période[modifier | modifier le code]

Carte des beylicats d’Anatolie vers 1330
Nom du beylicat Nom turc Région(s) d'implantation Durée
Taceddinoğulları[19] Taceddinoğulları Niksar 1348-1428
Aydınides[20],[21] Aydınoğulları Birgi, puis Ayasluğ (Selçuk) 1308-1425
Çobanoğulları[22] Çobanoğulları Kastamonu 1227-1292 sous tutelle des Jandarides jusque ~1320
Candarides ou Isfendiyarides[23],[24] Candaroğulları ou İsfendiyaroğulları Kastamonu 1292-1462
Dulkadirides[25],[26] Dulkadıroğulları Maraş, Elbistan 1337-1522
Eretnides[27],[28] Eratnaoğulları Sivas, puis Kayseri 1326-1380
Qadi Burhân al-Dîn Ahmad[29],[30] Kadi Burhaneddin Ahmed Kayseri 1381-1398 Remplace les Eretnides
Eşrefoğulları[31],[32] Eşrefoğulları Beyşehir 1285-1326
Germiyanides[33],[34] Germiyanoğulları Kütahya 1239-1428
Hamidides[35],[36] Hamidoğulları Eğirdir 1300-1391
Karamanides[37],[38] Karamanoğulları Larende (Karaman) 1256-1487
Alaya[39],[40]   Alanya 1293-1471 Vassaux des Karamanides
Karesioğulları[41] Karesioğulları Balıkesir 1303-1345
Beylicat de Ladik[42] İnançoğulları Denizli (ville) 1276-1368
Mentecheïdes[43],[44] Menteşeoğulları Milas 1261-1424
Ottomans[45],[46] Osmanoğulları Söğüt, Bursa, Dimetoka, Edirne et Istanbul 1299-1922
Pervâneoğulları[47] Pervâneoğulları Sinop 1277-1322
Ramazanides[48],[49] Ramazanoğulları Adana 1379-1510
Sâhipataoğullari[50],[51] Sâhipataoğulları Afyonkarahisar 1265-1341
Saruhanides[52],[44] Saruhanoğulları Manisa 1313-1410
Beylicat de Tekke[35] Tekeoğulları Antalya 1321-1423 c’est une branche des Hamidides

Régions d’Anatolie restées non turques et non musulmanes jusqu’à l’hégémonie ottomane[modifier | modifier le code]

Ces régions sont restées majoritairement chrétiennes jusqu’à leur conquête par les Ottomans.

Nom de l’état Nom turc Région(s) d'implantation Durée
Royaume arménien de Cilicie Kilikya Tarse et Sis (actuelle Kozan) 1080-1375
Empire de Trébizonde[53] Trabzon İmparatorluğu Trébizonde 1204-1461
Philadelphie Alaşehir Philadelphie tenu par l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem jusqu’en 1390

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. En turc : Anadolu Beylikleri, Les beylicats d’Anatolie
  2.  : en turc : extrémité, frontière
  3. Sourdel et Sourdel 2004, Kösedağ (bataille de), p. 486.
  4. a et b Donald MacGillivray Nicol (trad. de l'anglais par Hugues Defrance), Les derniers siècles de Byzance, Paris, Tallandier, coll. « TEXTO », , 530 p. (ISBN 978-2-84734-527-8), p. 43
  5. a et b René Grousset, Op. cit., Paris, Payot, 1938, quatrième édition, 1965 (lire en ligne), p. 332
  6. Ibn Battûta parcourt cette région en 1333, il rencontre Orhan : « Ce sultan est le plus puissant des rois turcomans, le plus riche en trésors, en villes et en soldats. » Orhan avait déjà agrandi son territoire ayant conquis Brousse (Bursa) (1326), Nicée (Iznik) (1330) et Nicomédie (İzmit) (1331) Ibn Battûta, Op.cit., (version .pdf) 393 p. (version papier) 480 (lire en ligne), « Du sultan de Bousa », p. 148-149 (version .pdf)
  7. (en) Kate Fleet, Op. cit. (lire en ligne), p. 5
  8. Sourdel et Sourdel 2004, Artiqides, Artukides ou Ortokides, p. 107.
  9. Bosworth 2004, p. 194-196.
  10. Sourdel et Sourdel 2004, Danichmendides, p. 235-236.
  11. Bosworth 2004, The Danishmendids, p. 215.
  12. Sourdel et Sourdel 2004, Ahlat, p. 46.
  13. Bosworth 2004, The Shah-i Armanids, p. 197.
  14. Sourdel et Sourdel 2004, Diyarbakir ou Diyarbekir, p. 249.
  15. Sourdel et Sourdel 2004, Mengüjekides ou Mengütchekides, p. 566.
  16. Bosworth 2004, The Mengüjekids, p. 217.
  17. Sourdel et Sourdel 2004, Erzurum, p. 276-277.
  18. Bosworth 2004, The Saltuqids, p. 218.
  19. Bosworth 2004, The Taj al-din Oghulları, p. 236.
  20. Sourdel et Sourdel 2004, Aydınides ou Aydınoğulları, p. 121.
  21. Bosworth 2004, The Aydin Oghulları, p. 221.
  22. Bosworth 2004, The Choban Oghulları, p. 231.
  23. Sourdel et Sourdel 2004, Isfendiyarides ou İsfendiyaroğulları ou encore Jandarides, p. 406.
  24. Bosworth 2004, The Jandar Oghulları or Isfandiyar (Isfendiyar) Oghulları, p. 229.
  25. Sourdel et Sourdel 2004, Dulkadirides ou Dhû l-Qâdirides, p. 254.
  26. Bosworth 2004, The Dulghadir Oghulları or Dhu’l-Qadrids, p. 238.
  27. Sourdel et Sourdel 2004, Eretnides, p. 269.
  28. Bosworth 2004, The Eretna Oghulları, p. 234.
  29. Sourdel et Sourdel 2004, Burhân al-Dîn, le cadi Aḥmad, p. 170.
  30. Bosworth 2004, The Qadı Burhan al-Din, p. 235.
  31. Sourdel et Sourdel 2004, Beyşehir, p. 157.
  32. Bosworth 2004, The Ashraf (Eshref) Oghulları, p. 228.
  33. Sourdel et Sourdel 2004, Germiyanides ou Germiyanoğulları, p. 310.
  34. Bosworth 2004, The Germiyan Oghulları, p. 224.
  35. a et b Sourdel et Sourdel 2004, Hamidides ou Hamidoğulları, p. 333.
  36. Bosworth 2004, The Hamid Oghulları and the Tekke Oghulları, p. 226.
  37. Sourdel et Sourdel 2004, Karamanides, Qaramanides ou Karamanoğulları, p. 458-459.
  38. Bosworth 2004, The Qaraman Oghulları or Qaramanids, p. 232-2333.
  39. Sourdel et Sourdel 2004, Alanya, p. 54.
  40. Bosworth 2004, The Beys of Alanya, p. 227.
  41. Bosworth 2004, Qarasi (Karasi) Oghulları, p. 219.
  42. Bosworth 2004, The Inanj Oghulları, p. 223.
  43. Sourdel et Sourdel 2004, Mentecheïdes ou Menteşeoğulları, p. 566.
  44. a et b Bosworth 2004, The Menteshe Oghulları, p. 222.
  45. Sourdel et Sourdel 2004, p. 640-644.
  46. Bosworth 2004, The Ottomans or Osmanlis, p. 239.
  47. Bosworth 2004, The Parwana Oghulları, p. 230.
  48. Sourdel et Sourdel 2004, Ramazanides ou Ramazanoğulları, p. 701-702.
  49. Bosworth 2004, The Ramaḍān oghullari, p. 237.
  50. Sourdel et Sourdel 2004, Sahib Ata, Sâḥib `Atâ’ Fakhr al-dîn `Ali ibn al-Ḥusayn, p. 720-721.
  51. Bosworth 2004, The Sahib Ata Oghulları, p. 225.
  52. Sourdel et Sourdel 2004, Saruhanides ou Saruhanoğulları, p. 736.
  53. Sourdel et Sourdel 2004, Trabzon ou Trébizonde, p. 813-814.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]