Élections législatives iraniennes de 2020 — Wikipédia

Élections législatives iraniennes de 2020
290 députés de l'Assemblée consultative islamique
(1er tour)
(2d tour)
Corps électoral et résultats
Inscrits 57 918 159
Votants 24 512 404
42,32 %
Front pour la stabilité de la révolution islamique – Mohammad-Taqi Mesbah Yazdi
Sièges obtenus 94
Conseil de la coalition des forces de la révolution islamique – Gholam Ali Haddad-Adel
Sièges obtenus 87
Parti de la modération et du développement – Hassan Rohani
Sièges obtenus 36
Président du parlement
Sortant Élu
Ali Larijani Mohammad Ghalibaf

Les élections législatives iraniennes de 2020 ont lieu les et afin de renouveler pour quatre ans les membres du Madjles, le parlement iranien.

Les élections se tiennent dans le contexte d'une crise économique et d'une montée de la remise en cause des autorités, qui les amènent à resserrer leur contrôle sur le processus électoral en excluant la quasi-totalité des candidats partisans d'une réforme des institutions. L'enjeu du scrutin se déplace par conséquent en partie sur la mesure du taux de participation, l'opposition appelant au boycott des législatives. Initialement prévus pour le , le second tour des élections est reporté à septembre en raison de la pandémie de Covid-19 qui touche alors durement le pays.

Les divers mouvements « principlistes » (droite conservatrice) obtiennent sans surprise une large victoire dès le premier tour. Le taux de participation, qui n'atteint que 42,57 %, est toutefois le plus bas dans l'histoire de la république islamique.

Contexte[modifier | modifier le code]

Manifestations iraniennes en 2019.

Le scrutin est organisé quelques mois à peine après le début d'importantes manifestations anti gouvernementales à la suite d'une augmentation du prix de l'essence. Ce mouvement intervient dans un contexte de crise économique, le pays subissant une importante récession, tandis que de vastes manifestations ont également lieu dans des pays voisins, en l'occurrence en Irak et au Liban. Après une répression violente causant au moins trois cent morts et un arrêt momentané du mouvement, les mensonges des autorités iraniennes au sujet du crash du vol Ukraine International Airlines 752 déclenchent une nouvelle vague de manifestations anti-régime.

Face à ce mouvement de contestation, les ultra-conservateurs procèdent à des invalidations massives des candidatures de candidats réformistes par le biais du Conseil des gardiens de la Constitution. Ce dernier est chargé de la validation des candidatures selon plusieurs critères prédéfinis dont la loyauté à la constitution de la république islamique et la « bonne réputation » des candidats. Dominé par les ultra-conservateurs, le conseil possède en pratique toute liberté pour exclure les candidats jugés trop proches des courants réformistes, ce à quoi il se livre abondamment à chaque élection. La situation politique du pays l'amène en 2020 à effectuer un filtrage encore plus drastique qu'à son habitude, provoquant une vive polémique. Le conseil invalide ainsi des milliers de candidatures, dont celles de 92 députés sortants, qui avaient pourtant été validés avant leur élection lors du précédent scrutin[1]. Sur un total de 14 444 candidats, 7 296 sont disqualifiés, soit 50,5 %, dont la quasi-totalité des réformistes[2].

Le président Hassan Rohani.

La polémique oppose rapidement non seulement le Conseil des Gardiens au gouvernement du président Hassan Rohani, mais également ce dernier aux réformateurs[3]. Conservateur modéré, soutenu au Majlis par une coalition de modérés et de réformateurs, Rohani critique les atteintes à la démocratie causées par le Conseil, exige une ouverture politique et appelle la population à se rendre massivement aux urnes, tandis que l'opposition réformatrice - confrontée à l'élimination de l'ensemble de ses candidats - appelle au contraire au boycott des élections et au renversement du régime par la rue[4]. Rohani considère pour sa part qu'une faible participation ne ferait que profiter comme par le passé aux conservateurs et ultra conservateurs[5].

Désillusionnée par l'impossibilité d'une représentativité et les conséquences sur son quotidien de la crise économique causée par les sanctions américaines, une grande partie de la population est jugée susceptible de refuser de participer au scrutin. Le peu d'incidence d'une victoire des modérés et réformistes en 2016 amène par ailleurs la population à juger le choix de son parlement inutile. L'abstention devient ainsi l'un des principaux sujet de la campagne, forçant Rohani à se prononcer sur l'éventualité de sa démission avant la fin de son dernier mandat en 2021 ; qu'il réfute, jugeant qu'elle n'aurait « pas beaucoup de sens »[6]. Le porte parole du Conseil des Gardiens, Abbas-Ali Kadkhodaei, annonce quant à lui « Notre responsabilité est de garantir le bon déroulement des élections. La participation massive ne nous concerne pas. »[1].

Système électoral[modifier | modifier le code]

Salle de réunion du Madjles

Les 290 députés du Madjles sont élus pour quatre ans au suffrage universel direct. Cinq sièges réservés ont vocation à représenter les minorités confessionnelles reconnues : zoroastriens, juifs, chrétiens chaldéens et arméniens (un siège pour les arméniens du nord du pays, et un pour ceux du sud).

Les 285 députés restants sont élus au scrutin majoritaire à deux tours dans 207 circonscriptions uninominales ou plurinominales en fonction de leur population. Dans les circonscriptions uninominales, est élu le candidat arrivé en tête s'il passe le seuil électoral de 25 % des suffrages exprimés. À défaut, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête, et celui obtenant le plus de voix est déclaré élu. Dans les circonscriptions plurinominales, les électeurs votent pour autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir, et ceux arrivés en tête sont élus s'ils rassemblent également plus de 25 % des suffrages. Dans le cas contraire, un second tour est organisé où seuls peuvent participer les candidats arrivés en tête au premier dans la limite du double du nombre de sièges a pourvoir, et ceux obtenant le plus de voix sont élus. S'il n'y a pas assez de candidats pour organiser un second tour avec ce ratio candidats/sièges de deux pour un, le premier tour est considéré valide et les candidats arrivés en tête sont élus[7].

Forces en présence[modifier | modifier le code]

Forces en présence
Courants Partis ou alliances
Conservateurs Coalition du peuple
Campagne pour la poursuite de la justice au Parlement
Ultra-conservateurs :
Conseil de la coalition des forces de la révolution islamique
Front pour la stabilité de la révolution islamique
Réformateurs Parti de la modération et du développement
Amis d'Ashemi
Coalition des huit partis réformistes

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats des législatives iraniennes de 2020[8],[9],[10]
Parti ou alliance Premier tour Second tour Total
sièges
Voix % Sièges Voix % Sièges
Front pour la stabilité de la révolution islamique 93 1 94
Conseil de la coalition des forces de la révolution islamique 83 4 87
Parti de la modération et du développement 35 1 36
Coalition du peuple 30 0 30
Amis d'Ashemi 7 0 7
Coalition des huit partis réformistes 1 0 1
Campagne pour la poursuite de la justice au Parlement 1 0 1
Indépendants 29 4 33
Minorités religieuses 5
Siège non pourvus 1 1
Suffrages exprimés
Votes blancs et invalides
Total 24 512 404 100 279 100 10 290
Abstentions 33 405 755 57,68
Inscrits / participation 57 918 159 42,32

Analyses et conséquences[modifier | modifier le code]

Mohammad Ghalibaf

Le , le ministre de l'Intérieur, Abdolreza Rahmani Fazli (en) annonce un taux de participation de 42,57 %[11], soit son plus bas niveau depuis les élections législatives de 1971. La participation est notamment très faible dans les villes, dont l'électorat est traditionnellement réformiste. Dans la capitale Téhéran, celle-ci n'atteint ainsi que 25 % des inscrits[12]. Le jour de l'annonce des résultats du premier tour, le guide suprême Khamenei, affirme que ce taux d'abstention est due à « la propagande négative » autour de l’épidémie de coronavirus qui s'est étendue à l'Iran depuis le [13]. Le scrutin voit la victoire des partis conservateurs, qui totalisent 195 sièges au premier tour, contre 18 aux réformateurs, et 40 à des candidats indépendants [14]. Dans le reste des circonscriptions, un second tour est organisé le [15].

L'élection de Mohammad Ghalibaf à la présidence du parlement, jugée très probable, intervient le [16]. Ancien maire conservateur de Téhéran et candidat malheureux à deux reprises à des élections présidentielles, Ghalibaf est perçu comme pouvant mettre à profit cette victoire pour une nouvelle candidature à la présidence en 2021[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Iran : à la veille des législatives, les radicaux invalident les candidatures en masse », sur Marianne, (consulté le ).
  2. « Législatives cruciales en Iran, la coalition gouvernementale en sursis », sur Challenges, (consulté le ).
  3. La-, « L’Iran se prépare à des élections législatives verrouillées », sur La Croix, (consulté le ).
  4. « Législatives en Iran : Rohani appelle à une participation massive », sur La Croix, (consulté le ).
  5. « Législatives en Iran : Rohani appelle à une participation massive », sur Le Point, (consulté le ).
  6. « Législatives en Iran: Rohani exclut de démissionner malgré les difficultés », sur RFI, (consulté le ).
  7. « IPU PARLINE database: IRAN (REPUBLIQUE ISLAMIQUE D') (Majles Shoraye Eslami), Système électoral », sur archive.ipu.org (consulté le )
  8. (en) « Parliamentary Elections », sur irandataportal.syr.edu (consulté le ).
  9. (la) « IFES Election Guide », sur www.electionguide.org (consulté le ).
  10. (fa) « نزدیک به ۱۰ میلیون نفر در استان تهران واجد شرایط رای هستند », sur ایرنا,‎ (consulté le ).
  11. (en) « Iran announces lowest voter turnout since 1979 », sur AlJazeera.com, (consulté le )
  12. (en) « Iran elections expected to end with hardline victory for nationalists and religious conservatives », sur The Independent, (consulté le ).
  13. (en) Parisa Hafezi, « Iran's leader says enemies tried to use coronavirus to impact vote », sur Reuters.com, (consulté le )
  14. (en) « Iran: Conservatives win majority of seats in parliament », sur www.aa.com.tr (consulté le ).
  15. « En Iran, les conservateurs crient victoire aux législatives », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  16. (en) « Qalibaf Elected as New Speaker of Iran's Parliament », sur Iran Front Page, http:facebook.comifpnewsenglish, (consulté le ).
  17. La-Croix.com, « Iran : un Parlement dominé par les conservateurs et les ultranationalistes », sur La Croix, lacroix.journal, (consulté le ).