État d'urgence — Wikipédia

L'état d'urgence est une mesure prise par un gouvernement en cas de péril imminent dans un pays. Certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme la liberté de circulation ou la liberté de la presse.

Exception[modifier | modifier le code]

Des circonstances exceptionnelles, extrêmes, imprévisibles, peuvent amener un État, sur un territoire donné, pour une durée déterminée, à une restriction des lois, réputées démocratiques, et jugées insuffisantes pour faire face à un danger public en cours ou imminent, contrairement aux normes de l'État de droit courant.

L'alerte peut porter sur une crise

  • météorologique (catastrophe naturelle : éruption volcanique, typhon, tsunami...), climatique,
  • écologique,
  • environnementale,
  • médicale,
  • sanitaire (risque nucléaire, pandémie),
  • alimentaire (grippe aviaire, vache folle...),
  • économique (rupture des régularités socio-économiques),
  • financière,
  • humanitaire,
  • migratoire,
  • sociale...

Les cas de guerre extérieure, de guerre civile intérieure, de troubles intérieurs graves (manifestation, faits sociaux violents, révolte avec armes, émeute, sédition, subversion, terrorisme) relèvent d'une autre logique, d'état de siège. Le désordre (le chaos) est le résultat d'une déliaison sociale, d'une dislocation du corps social, de la concorde, entraînant un état de guerre civile (réel ou fictif) : décolonisation, guerre de partisans, guérilla, projet politique différent (état d'exception / résistance).

Sauf à réfléchir en termes de guerre civile mondiale, planétaire, universelle, permanente, et donc d'état d'exception permanente.

Relation avec le droit international[modifier | modifier le code]

L'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l'ONU de 1966 régule au niveau du droit international l'état d'urgence. Il dispose en particulier que :

« 4.1 Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. (...)

4.3 Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l’entremise du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations. »

Le Comité des droits de l'homme de l'ONU peut examiner les éléments constitutifs du danger public invoqué et éventuellement solliciter l'élaboration de rapports spéciaux. Il a élaboré en 1981 une déclaration relative à l'interprétation de cet article. L'Égypte, entre autres, a ainsi été à plusieurs reprises épinglée pour son état d'urgence continu depuis au moins 1981[1].

La proclamation de l'état d'urgence ne permet pas de déroger à certains droits fondamentaux et interdictions absolues, dont en particulier le « droit à la vie », l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, l'esclavage, la servitude, la loi rétroactive et la « reconnaissance de la presomnalité juridique » la « liberté de penser, de conscience et de religion ».

La Convention européenne des droits de l'homme contient des dispositions dérogatoires du même type, mais ont été appliquées d'une manière beaucoup plus rigoureuse, comme en témoigne la dérogation demandée par le Royaume-Uni après le [2].

Liste non exhaustive par pays[modifier | modifier le code]

Afrique[modifier | modifier le code]

Burkina Faso[modifier | modifier le code]

L'état d'urgence a été déclaré le à la suite d’attaques continues dans la région du nord.

Algérie[modifier | modifier le code]

L'état d’urgence a été en vigueur pendant dix-neuf ans ; mis en place le , au départ pour un an, il a été levé le [3].

Togo[modifier | modifier le code]

L’état d’urgence est déclaré par le président Faure Gnassingbé le en réaction à la pandémie de COVID-19 dans le pays.

Égypte[modifier | modifier le code]

L'état d'urgence était en vigueur depuis 1981 après l'assassinat du président Anouar el-Sadate et l'arrivée au pouvoir de Moubarak. Il est levé 31 ans après en [4].

En 2017, l'Etat d'urgence est rétabli à la suite des attentats du dimanche des Rameaux[5].

Mali[modifier | modifier le code]

L'état d'urgence est déclaré du au , après l'offensive lancée vers le Sud par des groupes islamistes armés[6].

Tunisie[modifier | modifier le code]

L'état d’urgence est en vigueur lors de la Révolution tunisienne, à partir de janvier 2011 et levé en mars 2014.

En juin 2015, après l'attentat de Sousse, le président Béji Caïd Essebsi rétabli dans un décret l'état d'urgence dans tout le pays pour faire face au terrorisme[7].

Nigeria[modifier | modifier le code]

En , à la suite de l'attaque de Boko Haram, le président Goodluck Jonathan déclare l'état d'urgence dans trois États du pays. Olusegun Obasanjo avait déclaré l'état d'urgence précédemment, en 2004 et 2006[8]. Cette situation prend fin le , car n'ayant pas été renouvelée par le Parlement qui en constate l'inefficacité sur la vague de violences[9].

Le , à la suite de l'épidémie de la fièvre ébola, l'état d'urgence est décrété pour 90 jours[10].

Sénégal[modifier | modifier le code]

L’état d’urgence est déclaré par le Président Macky Sall le en réaction à la pandémie de COVID-19 dans le pays.

Liberia[modifier | modifier le code]

La présidente Ellen Johnson Sirleaf décret l'état d'urgence à la suite de l'épidémie de la fièvre ébola pour 90 jours[10].

Guinée[modifier | modifier le code]

à la suite de l'épidémie de la fièvre ébola

à la suite de la pandémie de COVID-19 dans le pays le .

Tchad[modifier | modifier le code]

En , l'état d'urgence est instauré après des attaques de Boko Haram[11],[12].

Niger[modifier | modifier le code]

En , dans la région de Diffa, l'état d'urgence est instauré après des attaques de Boko Haram[11],[12].

Amérique[modifier | modifier le code]

Canada[modifier | modifier le code]

Au Canada, le gouvernement a adopté une loi sur les mesures d'urgence en 1988 ; celle-ci a été utilisée pour la première fois en février 2022 lors des perturbations liées au Convoi de la liberté. Avant 1988, le gouvernement utilisait plutôt la Loi sur les mesures de guerre (maintenant abrogée) et il avait invoqué cette loi trois fois, lors de la Première Guerre mondiale, à l'occasion de la Seconde Guerre mondiale ainsi que pendant la crise d'Octobre[13]. Les provinces canadiennes peuvent aussi avoir leurs lois sur l'état d'urgence, y compris pour l'état d'urgence sanitaire.

États-Unis[modifier | modifier le code]

Aux États-Unis, l'état d'urgence est déclaré le pour la ville de New York à cause de la pandémie de maladie à coronavirus de 2020 aux États-Unis[14].

Haïti[modifier | modifier le code]

À Haïti, l'état d'urgence est déclaré après le séisme de 2010[15] et pour une durée d'un mois après l'ouragan Sandy de 2012[16].

Asie[modifier | modifier le code]

Inde[modifier | modifier le code]

état d'urgence du au , sur la recommandation de la Première ministre Indira Gandhi[style à revoir].

Pakistan[modifier | modifier le code]

état d'urgence du au , dans le cadre de la campagne électorale pour les élections législatives pakistanaises de 2008[style à revoir].

Syrie[modifier | modifier le code]

état d’urgence en vigueur depuis 1963[style à revoir].

Birmanie[modifier | modifier le code]

L'armée déclare l'état d'urgence pour un an depuis le .

Turquie[modifier | modifier le code]

En 1979, face à une agitation politique dans les régions à majorité kurde, le gouvernement décrète l'état d'urgence dans certaines provinces. En , le Parti des travailleurs du Kurdistan lance la lutte armée dans les provinces kurdes de Turquie. Devant les progrès de cette guerre de guérilla, le gouvernement turc prend une série de mesures exceptionnelles. En , il étend l’état d'urgence à onze provinces à majorité kurde. vaste zone à sécurité renforcée est baptisée OHAL, pour Olağanüstü Hal (état d'exception). Elle sera dirigée par un gouverneur régional, surnommé Süpervali (« superpréfet »), qui dispose de pouvoirs exceptionnels. L'OHAL sera maintenu jusqu'en [17].

État d'urgence du 20 juillet 2016 au 19 juillet 2018 après la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016[18][style à revoir].

Europe[modifier | modifier le code]

Allemagne[modifier | modifier le code]

Espagne[modifier | modifier le code]

L'état d'urgence (estado de excepción) est prévu à l'article 116 de la Constitution de 1978. Sa proclamation se fait via un décret pris en conseil des ministres, après autorisation du Congrès des députés, pour un délai maximum de 30 jours, qui peut être prorogé.

Deux autres états de crise peuvent être déclenchés : l'état d'alerte (estado de alarma), pour 15 jours au plus, un délai qui peut être prorogé uniquement avec l'accord du Congrès ; et l'état de siège (estado de sitio), que seul le Congrès peut proclamer.

L'état d'alerte a été proclamé deux fois depuis la restauration de la démocratie :

France[modifier | modifier le code]

L’état d’urgence est déclaré « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Il permet aux autorités administratives (ministre de l’Intérieur, préfet) de prendre des mesures restreignant les libertés comme l’interdiction de la circulation ou la remise des armes à feu de certaines catégories. Les mesures les plus sévères sont les assignations à résidence, la fermeture de certains lieux, l'’interdiction de manifester et les perquisitions administratives[21]. Ainsi, il dessaisit l’autorité judiciaire de certaines de ses prérogatives. Contrairement à l’état de siège, il n’implique pas les forces armées.

Créé par la loi du pour faire face aux événements liés à la guerre d'Algérie, l’état d'urgence est appliqué trois fois durant cette période. Il est ensuite appliqué trois fois en outre-mer durant les années 1980, puis en 2005, en raison d’émeutes dans les banlieues, et enfin entre le et le en raison des risques d’attentats.

La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de 2017 puis la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement de 2021 introduisent dans le droit commun, les périmètres de protection et les « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » : assignations à résidence administratives et perquisitions, après avis du juge des libertés et de la détention ainsi que les contrôles aux frontières ; ces mesures pouvant être prises exclusivement en prévention du terrorisme mais hors période d’état d’urgence[22]. Les contrôles d’identité sont plus facilement faisables[23].

L'état d'urgence sanitaire est déclaré « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ».

Créé par la loi du pour faire face à la pandémie de covid-19[24], et abrogé en 2022, l’état d’urgence sanitaire est appliqué nationalement à deux reprises : entre le et le , et entre le et le .

États d’exception en France depuis 1955

Rome antique[modifier | modifier le code]

Suisse[modifier | modifier le code]

La Constitution fédérale de la Confédération suisse ne prévoit pas explicitement d'« état d'urgence »[25]. En revanche, son article 165 (intitulé « législation d’urgence ») permet au Parlement d'adopter une loi et de la faire entrer en vigueur immédiatement. L'article 185 (« sécurité extérieure et sécurité intérieure ») permet au gouvernement de faire intervenir l'armée avec certaines limites.

Par ailleurs, en cas d'épidémie, la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme permet au gouvernement de déclarer l'état de « situation particulière » (article 6) ou de « situation extraordinaire » (article 7). Cela a été fait pour la première fois lors de la pandémie de coronavirus de 2020.

Cantons[modifier | modifier le code]

De plus, lors de situations extraordinaires menaçant la population, certains cantons peuvent décréter un « état de nécessité » leur permettant d'adopter des mesures exceptionnelles.

Cela est notamment prévu dans les cantons de Genève[26], du Jura[27] et de Vaud[28]. En 2020, ces dispositions ont été activées pour faire face à la pandémie de Covid-19 en Suisse.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le Monde.fr avec AFP, « En vigueur depuis 1981, l'état d'urgence en Egypte est levé », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  2. (it) Giampiero Buonomo, Declaratoria dello stato di emergenza e Consiglio supremo di difesa Nuovi studi politici, gennaio-giugno 2005, n. 1/2, p. 107 ss..
  3. Le Monde.fr avec AFP, « Algérie : l'état d'urgence levé en Algérie », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  4. L'état d'urgence levé en Égypte, Le Figaro, 31 mai 2012.
  5. « Les condoléances du pape après l’attentat de Tanta en Égypte », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  6. Le Monde.fr avec AFP et Reuters, « Levée de l'état d'urgence au Mali », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  7. « La Tunisie en état d'urgence, interrogations sur les libertés publiques », sur Nouvelobs.com, (consulté le ).
  8. « Le président nigérian déclare l'état d'urgence dans trois Etats », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  9. « Nigeria: l'état d'urgence expire au lendemain d'une attaque meurtrière », sur 20minutes.fr (consulté le ).
  10. a et b Le Monde.fr avec AFP, « Ebola : l'OMS décrète la mobilisation mondiale, état d'urgence au Nigeria », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  11. a et b « Boko Haram : N'Djamena décrète l'état d'urgence dans la région du lac Tchad », sur france24.com, (consulté le ).
  12. a et b « Front de Diffa: état d'urgence et forces en présence », sur rfi.fr, (consulté le ).
  13. Denis Smith, « Loi sur les mesures de guerre », sur L'Encyclopédie canadienne, (consulté le )
  14. RFI, < New York Urgence
  15. Perspective Monde, « Tremblement de terre dévastateur en Haïti », sur perspective.usherbrooke.ca (consulté le ).
  16. « Haïti décrète l'état d'urgence après l'ouragan Sandy », sur liberation.fr, (consulté le ).
  17. Özcan Yilmaz, La formation de la nation kurde en Turquie, Genève/Paris, Graduate institute publications/PUF, , 255 p. (ISBN 978-2-940503-17-9), p. 140-142, 144-145, 156
  18. « Le Parlement turc approuve une prolongation de trois mois de l'état d'urgence », sur france24.com, (consulté le )
  19. (es) « El Gobierno declara el estado de alarma y moviliza a los controladores », El País,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. (es) « Sánchez decreta el estado de alarma durante 15 días », El País,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Loi no 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.
  22. Articles L226-1 et suivants du code de la sécurité intérieure
  23. Article 78-2 du code de procédure pénale
  24. Articles 1 à 8 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19
  25. Flavienne Wahli Di Matteo, « Nécessité ? Urgence ? Le jargon de crise décrypté », 24 heures,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. Article 113 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012.
  27. Article 60 de la Constitution de la République et Canton du Jura du 20 mars 1977.
  28. article 125 de la Constitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (« situation extraordinaire ») et article 13 de la loi vaudoise sur la protection de la population du 23 novembre 2004 (« état de nécessité »).

Articles connexes[modifier | modifier le code]